15- PROJECTILE PERDU

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Le destin voulut que la mère de mon aimé rentre à Seattle ce soir-là.

Je me retrouvais donc seule pendant presque la moitié de mon chemin retour, ma bague ayant repris sa couleur terne et morne sans sa main enveloppant la mienne.

Si je me sentais plus faibles et triste, j'avais besoin d'être seule pour une bonne heure.
Je devais avoir une sérieuse discussion avec ma prétendue mère.
Depuis le discours de Camille, je ne pouvais m'empêcher d'y penser. La règle de devrait pas avoir d'exemptions, mon père aurait dû avoir les mêmes yeux que moi. Cela n'avait pas de sens, pourtant j'avais toujours cet espoir irraisonné que ce soit faux. Je manquais cruellement d'argument et preuves, et pourtant mon cerveau persévérait. J'avais vraiment du mal à avoir les idées claires lorsque Julien n'était pas à mes côtés. D'après elle, nous devrions pouvoir prendre le dessus sur l'énergie et la manipuler de sortes à moins souffrir d'un éventuel éloignement. La souffrance du lien n'était pas une fatalité, chacun pouvait apprendre à vivre avec.

C'est d'un pas lourd que j'appréhendais la tête à tête avec ma mère en passant l'entrée. Je percevais le bruit des couverts s'entrechoquant dans l'évier de la cuisine.
Elle était déjà ici.
J'étais restée chez mon amie jusqu'à près de huit heures du soir. Personne dans cette maison ne s'en était inquiété apparemment.

- Bonsoir mam...

Quelle fut ma surprise quand je découvris un plat de lasagnes au centre de la table et ma mère portant des gants de cuisine à sa gauche.

- Ça te plait ? fit-elle. J'ai pensé que ça profiterait au moins à quelqu'un ici.

J'avançai vers l'objet du crime. Rien ne semblait inquiétant ou sortant de l'ordinaire.

- Tu savais faire ça depuis combien de temps ? demandai-je.

- Il se trouve que j'ai retrouvé une ancienne recette de ton arrière-grand-père. Il adorait cuisiner, lui. Et puis, je me suis rendue compte que je ne faisais pas assez de choses pour ma fille. Quand je t'ai vue arriver au bras de ce garçon, j'ai compris que je ne m'intéressais pas assez à ta vie.

Ses cheveux mal coiffés s'étaient échappés de sa queue de cheval et se dressaient sur sa tête. Malgré tout, elle me sourit. Tout s'annonçait plus compliqué que prévu. Génial.

- Écoute maman, il faut que je te parle d'un sujet très important.

- C'est Julien ?!?! Oh ! Il faut que je t'explique deux ou trois choses à propos des garçons...

- NON !

Je me rendis compte de ma réaction un peu trop poussée. Finalement, je m'affalai sur une chaise.

- Pardon, m'excusai-je. C'est très sérieux. Assieds-toi, il vaut mieux.

- Tant que ça ?

Son expression se ternit. Il retira ses gants et les rangea sur le comptoir avant de se placer à l'autre bout de la table.

- Je t'écoute, ma chérie.

Je respirai un grand coup. Surtout, rester calme et ne pas se déstabiliser

- Voila... Es-tu ma mère ?

Sa réaction fut éhontée. Elle sortit de ses gonds, liant mon interrogation à de la pure folie.

- Quoi ?!?! Mais comment peux-tu poser une telle question !? Bien sûr que je suis ta mère, c'est idiot enfin !

- Alors, Daniel est-il vraiment mon père ?

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