17- LIANES

57 7 1
                                    

La lune livide avait remplacé le soleil flambant et un noir d'ancre faisait en sorte de noyer toutes sources de lumières supplémentaires dont seules les étoiles en réchappaient.

Julien était resté avec moi dans notre coin secret du jardin, redoutant comme toujours de me laisser derrière lui pour aller à la rencontre don son haineux de frère. C'était la pleine lune, une nuit des plus éclairées dont ma mère ne pouvait pas profiter car elle s'était entendue tel une épave dans le sofa dès six heures du soir. Elle se fichait comme d'une guigne de me laisser seule avec mon petit ami pour deux nuits, indifférence se reliant probablement avec sa fatigue du travail ou de l'innocence émanant du regard de mon amoureux lors de leur première rencontre en personne.

Nous étions adossés à la vielle porte recouverte d'un épais drap et de deux oreillers gigantesques dont j'ignorais la précédente utilité. Une brise glaciale revenait de temps à autre mordre les parties de mon corps qui n'avaient pas la chance d'être ensevelies sous quatre couches de vêtements. Contre cela, il me tenait constamment dans ses bras, me donnant une excuse de protection contre le froid alors que je n'en avais pas demandé. Comme s'il lui fallait une excuse pour que je me jette volontairement dans ses bras. Nos occupations étaient très limitées mais cela ne nous dérangeait pas. Tantôt nous parlions de sujets insignifiants, tantôt nous nous embrassions pendant une période de temps exagérée. Depuis que j'étais avec lui, c'était comme si je m'étais enfermée dans une bulle de béatitude qui ne communiquait que très rarement avec le monde extérieur.

- Tu peux le refaire, s'il te plait ? quémandai-je.

Il soupira dans un sourire.

- Tu en est aussi capable je te rappelle, me dit-il.

- Je sais, mais j'aime sentir l'électricité quand je te prends la main juste après.

- Vraiment ? rit-il.

- On ne se moque pas !

- Je ne me permettrai jamais.

Abandonnant face à ma ténacité, il leva le bras vers le mur recouvert de lierre. Une onde aux nuances de saphir dansa avec grâce jusqu'à lui et souleva une tige des plantes pendant le long des briques. Le lien végétal en fit se lever un second et tous deux s'enroulèrent l'un sur l'autre. Des étincelles en jaillirent faiblement et retombèrent sur l'herbe en un sifflement évanescent. Je baissai les yeux vers sa main mais il s'était déjà empressé de prendre la mienne. Alors je l'apportai contre ma joue et souris en frémissant de l'électricité qui en émanait. Lui me regardait en silence, avec cette lueur constante de bonheur dans les yeux que j'admirais tellement. C'était comme si j'avais connu ça toute ma vie.

- Pourquoi a-t-il fallu que tout cela ne commence qu'il y a trois jours... soupira-t-il.

Seulement trois jours que nous étions ensembles, trois jours que je me permettais d'être si proche de lui, que je n'avais plus peur.

- Notre ignorance nous a gâché de précieux mois, répondis-je. Mais à présent, je ne laisserai pas filer une seconde de notre temps.

Il inclina la tête, en profita pour caresser mon visage du revers de sa main.

- Je regrette tout ce temps perdu, fit-il.

- Moi aussi. Ça fait beaucoup à rattraper.

Sur ces mots, je me blottis contre lui et me laissai entourer de ses bras. Ses doigts effleuraient ma colonne vertébrale en faisant toujours le même mouvement. Je luttais pour de pas me laisser envahir par le sommeil.

La Force du Lien Où les histoires vivent. Découvrez maintenant