Litanie

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Au réveil, je pestais contre la nature, les habitants et chaque bruit résonnait dans mon crâne avec fracas. Non sans grande surprise, je vis que je m'étais assoupi sur le fauteuil tout habillé, l'heure assez avancée. Lorsque les souvenirs de la journée précédente me revinrent, je me sentis misérable, honteux et incapable de songer à quoique ce soit d'autre.

J'étais rongé par les remords, ma culpabilité première concernant ma défunte femme s'était évanouie, une autre plus dévorante s'était ouverte à l'image criminelle de ce baiser. Ardemment j'aurais souhaité être de ceux ne se remémorant de rien les lendemains de beuverie, car je gardais avec une précision intense le souvenir des évènements de la veille. La manière dont je l'eus attiré vers moi, tel un acquis, la chose ne m'étant pas apparue dommageable et ses lèvres que j'avais ouvertes le plus naturellement au monde. .

Brusquement, je pris à la lumière du jour conscience à quel point l'idée du baiser m'était venue si spontanément à l'esprit.

Une tempête en mon crâne grondait, elle n'avait pour cause l'alcool mais la saveur chimique d'Holmes. J'étais bouleversé ne désirant reproduire l'erreur de la veille, je me décidai à n'opter ni pour la fuite, ni pour l'attente en m'apprêtant à toquer à la porte de sa chambre.

Silencieux et interdit devant sa porte ignorant que dire, mon poing resta immobile.

Qu'allais-je bien pouvoir avancer pour ma défense ? Devais-je avoir une défense ? Méritais-je des circonstances atténuantes ? Non, plaider coupable, en acceptant la sentence semblait bien plus approprié. Espérer le pardon m'était envisageable ? 

Je reculais, empli de doutes, mon bras retombant mollement. 

Et je repartis en arrière, un sentiment d'impuissance me submergeant. Ne m'étais-je pas assez montré indigne de son amitié, fallait-il l'importuner davantage ?

Assurément il fallait lui livrer les tourments siégeant en mon sein, lui confesser toute mon âme, afin de ne pas apparaître plus coupable que je ne l'étais.

Ainsi je revenais sur mes décisions autant de fois que je revenais sur mes pas, oscillant entre la détermination et le doute. Je continuai ce manège jusqu'au ridicule, faisant les cents pas devant sa porte, sans jamais y toquer tel ses clients venus pour affaire de cœur. Cette analogie ne manqua pas de faire son effet, je m'empressais de rassurer l'indignation éprouvée, en me répétant l'avoir toujours considéré en tout bien tout honneur. . de manière fraternelle.

J'abandonnai mon dessein, sans avoir ne serait-ce qu'effleuré le bois.

La suite est dénuée d'intérêt, je tentais de mener une journée ordinaire en vain. Il m'évitait, c'était évident. Mes ruminations internes ne me laissaient aucun répit, je guettais sa porte. L'heure passant mon inquiétude croissait, par le passé nous avons été en froid à plusieurs reprises mais jamais les offenses n'atteignirent cette intensité.

Pourtant ce n'était pas l'injustice de mes propos, leur cruauté m'accablant le plus, toujours la même litanie, celle autour de ce baiser volé. Mes paroles aussi blessantes, aussi honteuses furent-elles parvenaient à mon endroit à obtenir gain de cause et je parvenais sans grande peine à savoir comment m'en pardonner. En revanche ce baiser si criminel, si haïssable, comment s'en départir ? Ivre, je n'étais pas homme se tournant en ridicule par les actions, j'étais certes volubile or je ne commettais aucun acte répressif.

Lorsque le jour avis fui la terre, j'avais perdu foi de le revoir, m'étant résolu, je lisais une revue médicale sans passions ou plutôt m'assoupissait progressivement dessus.

Et brutalement la porte de sa chambre s'ouvrit.

Holmes en sortit tel un diable de sa boîte, bien mis, emmitouflé dans une écharpe -je le savais frileux-, il se dirigea vers le portemanteau avec hâte. Je faillis en rester immobile. Soudain sans même y songer, avec la peur de ne jamais plus l'avoir à ma portée je me précipitais hors du fauteuil.

CulpabilitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant