Chapitre 7 - Orphelin

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La vive colère qui s'empare de moi lorsque j'aperçois Evrik, éclairé par la lune, ramper sur le rivage les jambes et les mains immergées dans l'eau, me conduit à me jeter sur lui sans aucune forme d'hésitation.

-Alors là, non ! Une fois, pas deux !

L'encerclant fermement par la taille, je le tire de toutes mes forces dans l'espoir de le faire tomber à la renverse. Pris au dépourvu, ce dernier n'oppose qu'une faible résistance et se retrouve littéralement éjecté en arrière. Le fracas de sa chute provoque une gigantesque éclaboussure qui vient abondamment inonder ma robe, mais les effets de l'adrénaline m'épargnent même le choc glacé de cette eau nocturne percutant ma peau brûlante. Nous nous faisons face dans un étrange duel.

Haletant et trempé, il se redresse sur ses coudes tout en me dévisageant, les yeux écarquillés. Ses lèvres pourprées, entre-ouvertes et frémissantes, au bord desquelles perlent une multitude de gouttes salées, ne laissent échapper que le souffle saccadé de sa respiration effrénée. Il me sonde et m'examine dans les moindres détails, comme si il me décortiquait l'âme. Malgré mes efforts, je ne parviens pas à analyser l'expression impénétrable qui a pris possession de la douceur de ses traits juvéniles.

Je décide alors de m'approcher doucement de lui. Ses muscles se tendent et son visage se tord.

-Pourquoi t'es...

Je le coupe.

-Pourquoi je suis là ?

Face à son air ébahi, j'enchaîne :

-Laisse-moi te retourner la question.

Il détourne le regard et ses sourcils se froncent, formant une rangée de petits plis contrariés aussi douloureux à regarder que des cicatrices non refermées. Je le vois tenter de se relever péniblement en s'appuyant sur ses avant-bras, et par réflexe, je tends ma main vers lui. Il la scrute, dubitatif.

-S'il te plaît, va-t'en...Lâche-t-il dans un soupir semblable à un vœu désespéré.

Mon sang bout et se transforme en une myriade de crépitements qui galopent le long de mes membres, accélérant les pulsations de mon cœur malmené. Je perds patience et me mets à gronder.

-Prends-moi cette main, Evrik !

Il tourne subitement la tête vers moi, les iris brillant du vif éclat de la surprise. Il ouvre la bouche pour répliquer mais je le devance à nouveau.

-Prends-la !

Subjugué, il me présente enfin sa main, que je m'empresse d'empoigner avec vigueur. Je l'attire vers moi et il bondit sur ses deux jambes titubantes.

-Mais, enfin, à quoi tu joues ? Dis-je, dans un mélange de soulagement et d'inquiétude.

Interdit, il persiste à me laisser sans réponses. Toujours les nerfs à vifs, j'insiste. S'il savait combien je suis chamboulée à l'intérieur...

-Écoute, je ne vais pas le répéter deux fois !

-Rien ne t'oblige à le faire, objecte-t-il, d'une voix absente et monocorde.

Il va me rendre folle.

Son regard vitreux m'interpelle et je constate qu'il observe l'horizon par dessus mon épaule. Je n'aime pas ce silence. J'ai l'impression qu'il est en train de mijoter quelque chose. Je jette un regard furtif dans la même direction que lui et ce que je découvre est loin de me surprendre. Je ne m'étais pas trompée.

Nos yeux se croisent l'espace d'un court instant dans une ambiance de défi et, avant que je n'ai le temps de réagir, il me pousse sur le côté d'un geste sec, avant de se ruer droit devant. Je pousse un hurlement de rage et, ni une ni deux, je bondis sur lui, venant m'agripper à son dos. Nous chutons ensemble dans les vagues. Tandis que je suis toujours fermement accrochée à lui, il se débat et son débardeur craque sous ma poigne féroce. J'ai peur qu'il ne cesse de gesticuler et mette sa santé en péril.

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