Chapitre 11 - Fragile

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Hugo boss. Ce parfum, je pourrais le reconnaître entre mille. Et pour cause ! Si la torture psychique pouvait avoir une odeur, c'est celle-là qu'elle aurait.

Pétrifiée, je me laisse pénétrer par l'effluve du malheur, qui me transporte vers un tourbillon de souvenirs. Des flashs et des images violemment déterrés de leur sépulture qui se propagent dans ma tête comme une giclée de poison.

L'intérieur de ma bouche est aussi sec que le désert de Gobi et mon cœur tambourine à travers ma jugulaire. Non, bien sûr, je n'avais aucune envie de me retourner. Mes réflexes m'ont pris de court.

Trop tard.

-Tu me fuis, gazelle ?

Délectation. Le lion m'a piégée. Un imposant félin à l'épiderme doré et à la chevelure ambrée qui me pénètre de ses majestueux iris caramel, prêt à dévorer le fruit alléchant de sa victoire.

Ça non, en trois ans, il n'a pas changé. Il n'a toujours pas grandi, même si sa carrure n'en reste pas moins imposante. Ses épaules sont basses mais ses muscles saillants, mis en valeur par un débardeur à col large. Son visage, et en particulier ses pommettes généreuses, restent marquées par les dégâts issus de son passé de bagarreur. Et tandis que ses longs cils noirs à l'inclinaison plongeante lui donnent un air mélancolique constant, ses lèvres pulpeuses n'en restent pas moins perpétuellement figées dans un rictus qui traduit sa ruse.

Cependant, quelque chose de différent s'est tout de même insinué dans le ton de sa voix. Et comment ne pas être prisonnière de sa voix ? Elle est confiante, suave et impérative, capable d'envoûter le plus aguerri des marabouts.

-Lawrence ! Je...

Je suis sous le choc. Qui, quand, comment ? Comment est-ce possible ?

-Tiens, m'interromps-t-il comme si de rien n'était, tu as laissé tomber ça.

Il me tend le petit mot d'Evrik qui, sous le coup de la surprise, a du filer entre mes doigts, puis replace ses mains dans ses poches de jean, dans une posture nonchalante.

Au moment où je m'en empare, je sais qu'il a pris connaissance de son contenu. Il l'a même déjà retenu par cœur. Rien n'échappe à ses yeux perçants et perspicaces, même en l'espace de quelques micro secondes.

-Tu, tu m'as suivie ?!

Semblable à la lame d'un couteau, son index, lisse et froid, vient doucement glisser sur ma bouche.

-Attends, Aleka, s'il te plaît. Laisse-moi t'expliquer.

Comme soudainement victime d'un enchantement, je perds ma langue. Son charisme implacable et le pouvoir d'attraction redoutable qui l'accompagne est resté intact. Je déteste l'effet qu'il a sur moi. Sa force de persuasion est si intense qu'il pourrait faire taire une assemblée. Quand il s'adresse à moi de cette façon, je me transforme en agneau docile et craintif. Oui, je déteste ça.

-Je n'aime pas ce que tu insinues, reprend-il, paternel et imperturbable. Je ne t'ai pas espionnée. Je t'ai vue sortir du restaurant avec Hazel.

Ma méfiance reprend le dessus.

-Et qu'est-ce que tu faisais là ?

Il sort ses mains de ses poches pour les brandir théâtralement vers les ciel.

-Aleka, tranche-t-il, arrête ça! Ta question me montre clairement que tu crois que je te veux du mal ! Je sais ce que tu penses de moi, et c'est faux. Enlève-toi ça de la tête ! Nous avons grandi. J'ai grandi. Tout ça, c'est du passé !

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