Chapitre 9 - Papa

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-Papa !

J'ouvre brusquement les yeux, déboussolée. Je viens d'entendre crier. Un cri bouleversant. Mortifère.

Je pensais avoir rêvé jusqu'à ce que j'aperçoive Evrik assis à côté de moi dans l'obscurité, haletant. Instinctivement, j'allume la lampe de chevet.

Ce changement de luminosité brutal lui fait plisser les yeux. Tous ses muscles sont contractés. Sa peau est moite.

-Evrik ? Est-ce que tout va bien ?

Je suis étonnée par la propre fragilité de ma voix, une voix tirée de son sommeil, à la fois douce et rauque.
Il tourne lentement la tête vers moi, étourdi. Sa bouche est entrouverte et son regard tourmenté reste figé sur un point fixe de la pièce. Un bug a eu lieu dans le système.

J'ose poser ma main sur son avant-bras et ce contact imprévu lui provoque un bref sursaut, manifestation probable de son retour à la réalité. Rapidement, il s'en dégage pour venir se frotter vigoureusement les yeux.

-Je t'ai réveillée ? Se hasarde-t-il à demander, inquiet.

Oui.

-C'est pas grave... Tu sais, ça arrive à tout le monde de faire un cauch...

-Je te demande pardon, me coupe-t-il aussitôt.

Il se mord les lèvres.

Je me sens obligée de le rassurer.

-Ce n'est pas grave, je t'ai dit.

Il se laisse retomber en arrière tout en soupirant, puis rabat les deux côtés de son oreiller de part et d'autre de son visage.

J'ai parfaitement entendu qui il a appelé à travers ce cri poignant et j'imagine qu'il s'en doute. Naturellement, j'aurais voulu savoir. Tout savoir. Cependant, la situation me semble bien trop délicate pour me risquer à poser des questions. Je décide alors de m'allonger à mon tour à ses côtés et de l'observer, sans mot dire.

Pendant que j'attends patiemment une réaction de sa part, il libère progressivement sa tête de l'oreiller et se met à contempler le plafond.

Nous restons quelques instants baignés dans le silence avant qu'il ne daigne enfin ouvrir la bouche, sans me regarder.

-C'est un peu la honte, hein ?

Je refoule le sourire qui essaie de se frayer un chemin entre mes lèvres.

-Pourquoi est-ce que ce serait la honte ? Tu n'as rien à me prouver, à moi.

Il fronce aussitôt les sourcils et se tourne en ma direction.

-Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

Je me trouve intimidée par l'intensité avec laquelle nos yeux se rencontrent. Bien que l'obscurité dilate ses pupilles à tel point que ses iris semblent noirs, la brillance qui en ressort me fait un effet sur lequel je ne parviens pas à poser de mots.

-Je veux dire qu'ici tu as le droit d'être authentique.

Il réfléchit, fait la moue et d'un coup, cet air coquin qui le caractérise tant illumine ses traits.

-Authentique ? Donc, si je comprends bien, j'ai le droit de roter et péter en toute liberté ?

Évidemment. C'est plus fort que lui. J'aurais dû m'en douter. Je lui assène une tape sur l'épaule en me retenant de toutes mes forces pour ne pas rire.

-Essaie un peu, pour voir ? Je te préviens, je te fous à la porte !

-Tu oserais mettre un homme à poil et sans défenses à la porte ? Rétorque-t-il, faussement outré.

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