Chroniques d'un Passeur de Mondes (M/M)

- Épisode 2 -

~ à lire : sorte de "prologue" à l'épisode 2. ~

Je reviens avec un petit bout de chapitre aujourd'hui - même si celui-ci ne marque pas encore la reprise d'une publication régulière.

A l'origine, je n'avais pas prévu ce segment ou du moins pas agencé de cette manière. A présent que j'ai ce bout de texte  (ce n'est pas un chapitre à proprement parlé : c'est comme le prologue de l'épisode 2 même si c'est bizarre à dire x) ), je le publie dès maintenant puisqu'il introduit les prochains chapitres sans avoir avec eux de liens directs.

***

Un faible crépitement de flammes et un ronronnement félin presque imperceptible se faisaient entendre, en bruit de fond. Ils auraient été les seuls sons comblant le silence si, parfois, on ne distinguait pas le froissement d'une page qui se tournait ou la légère toux d'un vieil homme s'éclaircissant la voix.

Celui-ci était assis à son bureau de bois et sa silhouette se confondait à moitié dans l'ombre. La lumière faiblissant, il se rapprochait de l'objet de son attention : une fiche de comptes posée devant lui, qu'il lisait et annotait. Ses lunettes sur le nez, il semblait concentré sur sa tache.

Intérieurement, l'homme était plutôt satisfait : ces trois derniers mois, les affaires marchaient bien. Les aurae avaient été nombreuses, ce qui avait, dans ce cas-ci, rapporté une somme d'argent conséquente à toutes les compagnies.

Le vieil homme prit un bout de papier pour y écrire une liste - son planning, dirons-nous dans notre jargon - : prendre contact avec deux clients, envoyer quelques lettres aux membres en Asnaar...

Soudain, le son d'un léger coup de vent se fit entendre. Il provenait d'un puits, dans un coin de la pièce. De la brume bleutée y sortit et lévita à la surface. L'homme se leva et se rendit vers l'étrange phénomène, bien que d'un air serein. Ses pas firent crisser les lattes de bois du sol. Arrivé devant le puits de pierre - dans une pièce, oui c'est tout à fait logique - il s'y pencha, lui et sa barbe grise. Il frôla de ses doigts la brume épaisse de l'intérieur : sa main se perdit dans les volutes irréelles. Ces dernières se mouvaient prestement en un tourbillon au fond du puits et plus nonchalamment à ses bords. Elle reflétaient mille nuances de bleu : du turquoise au roi, du translucide à l'irisé. L'homme sentit la magie et, par ce contact, reconnut son origine et la provenance de ce qu'elles ne manqueraient pas de transporter...
Quelques secondes passèrent et une silhouette fut son apparition. Un oiseau fait de papier, simple feuille écru pliée qui représentait schématiquement ses membres . Avant même qu'il vole au dessus du puits, le vieil homme le saisit. S'éloignant de l'antre bleuté dont les remous se calmaient déjà, il le déplia pour le poser bien à plat sur sa table de travail.

De ses yeux usés, qu'il plissa, il déchiffra le message, à la calligraphie serrée.

Face à ces mots, il fut à la fois ravis et inquiet. Ravis car, si l'aurae réussissait, la récompense serait généreuse. Inquiet, car elle restait ardue. Pas tant sa mise en œuvre en soi que le lieux de cette-dite mise en oeuvre.

Et étant donné que la mort d'un membre créait toujours un bazar administratif sans nom...

L'homme souffla. Puis se déplaça vers la cheminée où se trouvait, sur la poutre la surplombant, l'ouvrage de recensement.
Il tourna rapidement les pages, à la recherche d'une réponse à une de ses questions intérieures. Il la trouva... et souffla plus fort : au vu de l'exécutant, la probabilité de sa mort ou, pire, de son emprisonnement se multipliait. Le barbu se préparait déjà au tas de papiers qu'il lui faudrait remplir.

L'heure se faisait tardive et l'homme s'empressa de prendre les mesures attendues à la réception de cette lettre. Il piocha dans sa pile désordonnée de documents une feuille vierge et attrapa une plume. Il ne prit pas le temps de s'assoir, juste celui d'écrire lisiblement pour que le contenu soit compris. Quelques lignes plus tard, et la lettre fut prête. L'homme chuchota deux-trois mots d'un langage inconnu pour marquer le courrier et lui signifiait son destinataire. Il le plia en un volatile d'un mouvement habitué et s'approcha à nouveau du puits.

Lorsque la feuille rencontra les volutes magiques presque statiques, les ailes du faux animal bougèrent et la brume tournoya. La feuille pliée, comme empreinte de vie, bâtit des ailes, quitta les doigts de son propriétaire et plongea dans les tréfonds du puits où elle disparut...

Portant son message vers le lointain.