Chroniques d'un Passeur de Mondes (M/M)

Épisode 1 - chapitre 4

" Les langues parlées dans les mondes, leur vocabulaire et leur construction lexicale sont autant d'éléments incompréhensibles pour les étrangers à ces dits-mondes s'ils ne passent pas par la magie. Les Essaïn naissent avec la magie de l'éther en eux. Celle-ci, utilisée correctement et à l'âge adéquat, permet de comprendre et parler ces diverses langues. Pour utiliser ce sort de "traduction", il est essentiel que le passeur maîtrise au préalable les bases de la magie visuel.

En effet, le sort de langue nécessite de voir et sentir l'éther par l'esprit puis de le visualiser en un voile impalpable qui enveloppe le corps de l'invocateur, qui filtre ce qu'il entend et ce qu'il dit pour le transformer en le langage voulu. Cet effort d'imagination est ce qui permet de plier l'éther qui nous compose à notre volonté. Une fois le sort maîtrisé, il ne demande qu'une infime énergie pour fonctionner au quotidien. Il est également très résistant ; seuls trois cas peuvent ébranler sa bonne marche : un fort trouble physique, morale ou magique - dans le cas d'un face-à-face avec une énergie extérieure trop forte."

Extrait du chapitre 12 du Grand Livre de l'Aube, écrit par le Thélandier.

L'espace d'un instant, je mis le maelstrom d'émotions qui m'habitait de côté pour vérifier si la « chose » qui me surplombait était vivante. Car oui, c'était bel et bien un corps qui m'était tombé dessus. Mais je n'eus finalement pas besoin de m'en assurer : je le sentis respirer vivement, tel un coureur de marathon ayant achevé sa course, éreinté. L'être bougea légèrement, s'apprêtant à relever la tête.

J'étais complétement dépassé...

- Sérieux c'est quoi cette situation !, ruminai-je.

J'ajoutai un très fleuri "sairi djass", impulsivement. Et voilà que ma langue maternelle me revenait, tout naturellement... Ne contrôlai-je donc plus rien ? Même mes mots se rebellaient...

Ce retournement de situation avait également brisé mon contrôle magique : la lumière que j'avais invoquée plus tôt s'était éteinte, faute d'être nourrie par mes pouvoirs. Invoquer ce type d'éléments demandait des capacités basiques, il ne fallait pas s'attendre à beaucoup de ce qu'elles produisaient.

La créature et moi, on se trouvait donc dans un noir complet, ou presque, puisque seulement brisé par quelques rayons faiblards d'un lampadaire lointain.

Je créai une autre source de lumière. Celle-ci éclaira un visage, ce qui me surprit : trop habitué à changer de mondes et à rencontrer les drôles de créatures qui les peuplaient parfois, je m'étais attendu au pire.

Étais-je en train de virer paranoïaque ?

En sentant cette chose pesante et dégoulinante sur moi, j'avais cru à une espèce improbable et inconnue, qui allait se montrer agressive et-

Oui, en fait, je suis bel et bien paranoïaque.

Sous les doux rayons de mon invocation, je détaillai un visage normale d'humain, au regard neutre. Un visage... d'ange. Mais je ne m'y attardais pas davantage, mes yeux et mes mains se posant sur le reste de son physique pour le prier d'un geste de se dégager de moi.

Bien que mon cœur continuait de battre à mille à l'heure, ma peur s'était calmée. Pourtant, une soudaine prise de conscience me réveilla peu à peu de cette semi torpeur : un gars a cogné ma fenêtre, puis l'a défoncée, puis m'a sauté dessus...

C'est un malade, non ?

L'homme n'ayant pas compris ma demande implicite, je le poussai moi même jusqu'à ce qu'il soit à genoux et moi assis. Je retirai mes mains de sa poitrine et découvris...