Prologue

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[PDV Inconnu]

Les cahots causés par la route bosselée et la rudesse des chevaux me balançaient telle l'aiguille d'une lourde horloge, d'un côté puis de l'autre du fiacre. Le paysage défilait mais le temps se faisait long.

Ce véhicule mal adapté - ou la route qu'importe - ajoutés au motif même de ce voyage me faisaient ruminer de contrariété. J'avais entrepris cette drôle d'excursion pour une mission futile, que l'on m'avait attribuée pour m'éloigner, m'exiler presque, étant donné le temps qu'il me faudrait pour m'y acquitter au mieux. La tâche, banale, consistait à se débarrasser d'une organisation illégale, qui se ferait rémunérer pour comploter, voler et tuer - bien que ce dernier point n'ait pas été prouvé... À prendre avec des pincettes donc.

Bien-sûr, ce genre de méfaits devraient être traités avec importance. Après tout, un royaume sain est un royaume qui fait son possible pour éradiquer les corporations de l'ombre. Mais c'était la procédure qui me déplaisait : l'affaire n'était qu'un prétexte. Et une incohérence considérant le fait que j'étais chargé aux affaires militaires et aux relations extérieures - et non intérieurs. De plus, si cela n'avait pas été qu'une excuse, la mission serait restée encore longtemps dans une pile de rouleaux à pourrir avec ses autres voisines oubliées. Car oui, c'était malheureusement pas quelque-chose auquel on prêtait attention d'habitude.

Le fiacre se trémoussa pendant encore quelques ultimes secondes puis s'arrêta dans un grand bruit, comme s'il s'affaissait de fatigue. Moi même j'étais soulagé, ce dernier soubresaut étant le point finale à cinq jours dans cette boîte ambulante.

Si j'avais pu, j'aurais sellé Edlanir et le voyage aurait été nettement plus agréable.

Avant d'ouvrir la porte, je plaçai un sort d'apparence sur ma personne et rabattis également ma cape. Je sortis.
Le soleil du midi éclairait mes pas, comme les personnes qui se rendaient à l'intérieur ou à l'extérieur de la cité qui me faisait face, Enkaria. Je posai d'ailleurs mes yeux sur ce qui la gardait : de grandes et épaisses portes en bois. D'une bonne taille pour une ville de cette ampleur. En m'approchant de l'entrée, j'en profitai pour la frôler de mes doigts. Hum, elle pourraient ne pas résister aux flammes. Leur surface commençaient à se décomposer.

J'entrai dans la ville fortifiée et me rendis vers son quartier principale, celui du marché. Il y avait foule, d'autant plus que l'on trouvait ici des marchandises aux origines multiples : du royaume, du duché, et même quelques étrangetés du peuple du nord - dont une communauté s'était implantée ici.

Des membres de la dite organisation se trouveraient dans la cité, où il a été relevé des activités suspectes. Mais bon... Quelles villes n'en avaient-elles pas ? Franchement c'était ridi - d'accord, j'arrête de radoter. Les hors-la-loi, ou du moins leur tête de file, possèdaient souvent des capacités magiques particulières. Ils vendaient leurs compétences aux plus offrants, compétences qui sont de bonnes plus-values à d'autres comme l'expérience du vol, la discrétion, la force, etc. Se servir de leur patrimoine magique pour s'enrichir davantage était une solution de facilité que beaucoup choisissaient.

Les pouvoirs divergents n'étaient néanmoins pas les merveilles que l'on décrivait. Le plus souvent, ils ne présentaient qu'une légère modification à une magie des plus classiques. Et parfois, ils se distinguaient suffisamment pour signifier l'éclosion d'une nouvelle famille magique. Mais rien de plus.

Je m'avançais dans la foule, frôlant de ma cape les passants. Si quelqu'un possédait un pouvoir différent, je le sentirais. C'était une capacité particulière qui m'appartenait, un petit plus en soit, me permettant de ressentir la magie d'autrui.

Le quartier comme la ville étaient bien peuplés et il y avait peu de chances que je trouve l'objet de mes recherches dans les premières heures. Et en effet, ce ne fut pas le cas. Les citadins étaient tous des magiciens des plus lambdas. J'alliais bien-sûr à cette quête peu divertissante autre chose de plus plaisant : manger. Un quignon de pain enkarien à la main, je grignotais en regardant les produits des étals et les passants...

Des heures et quelques pauses plus tard.

Je marchais encore, m'apprêtant à rentrer.

La déception ne m'avait pas pris, car j'avais peu d'attentes, mais j'étais frustré : j'aurais quand même apprécier un petit miracle, une minuscule facilité scénaristique...

La nuit était tombée et je parcourais la place toujours animée du centre-ville à la recherche d'une auberge que j'avais aperçue plus tôt.
Alors que je m'insérais entre deux passants, pour accéder à la rue derrière eux, je fus pris d'un frisson... indéniablement dû à la magie. Une magie différente. Soupçonnant une chimère venue tout droit de mon imagination, je me retournai pour m'en assurer. Mon regard se posa sur une silhouette encapuchonnée de vert, qui s'éloignait déjà de plusieurs dizaines de pouces de moi. Silencieusement, elle se mouvait telle une ombre.

C'était cette personne, je l'avais sentie à ma gauche.

Je levai ma main et frôlai de manière imperceptible sa cape, les vêtements transmettant toujours la magie de leur possesseur. Le frisson refit effet, plus fortement et de manière glaçante.

Cette magie n'était pas simplement différente... Elle n'avait rien des pouvoirs lambdas ni divergents...

Elle était anormale.

Elle semblait venir d'ailleurs...

Un ailleurs lointain.


Chroniques d'un Passeur de Mondes (M/M)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant