Chroniques d'un Passeur de Mondes (M/M)

Épisode 2 - Chapitre 2

"Tu es un espion. [...] Et tu vas venir avec moi."

.......

Il y eu un moment de flottement. Un long, très long, moment de flottement. Les dernières paroles de mon mon vis-à-vis résonnaient tel un gong dans mon esprit.

Je devais offrir un tableau à la fois comique et pitoyable. Ma bouche était légèrement entrouverte, imitant un poisson gobant l'air, tandis que mes yeux restaient fixés sur son bras enserrant le mien.

Je levais lentement mon regard plein d'incompréhension. Que faire, que dire, quel comportement adopter...? Je me sentis d'abord fautif, fautif de négligence dans ma fonction. Je m'accusais déjà d'être un incapable quand un autre sentiment me pris. Un sentiment qui s'était endormi l'espace d'une soirée, d'une nuit puis d'une matinée... mais qui ne pouvais rester latent longtemps. L'indignation.

Toutefois, avant même qu'elle se nourrisse du goût amer que me laissaient cette situation, mes souvenirs et mes pensées, je me fis violence pour l'étouffer. Cela m'agaçait d'avance mais je devais me maîtriser pour la suite - un plan pour me sortir de ce pétrin s'imposait. Je devais coûte que coûte me laver de tout soupçons, être Essaïn me le forçait.

Aussi, après une bonne trentaine de seconde où régna le silence, je pris enfin une décision.Lehreï me pensait choqué et démuni face aux secrets qu'il aurait percés... Mais je pourrai l'être pour une autre raison.

Je relevai la tête, sans me départir de mon air éberlué... puis pouffai.
Je ris de ce ton léger mais désagréable qu'ont les gens qui vous écoutent dire quelque chose de sérieux, laissent un silence... Pour ensuite mieux rire de vos propos.

Je jouai à ce petit jeu pendant quelques secondes, sous le regard déstabilisé de Lerheï.

J'achevai cet éclat d'hilarité en un soupir, puis lançai, un sourire amusé au lèvres :

- C'est ça ? C'est ça ta conclusion ? Elle a au moins le mérite d'être drôle !

En vérité, son idée était loin d'être bête. Car, après tout, qu'est-ce que l'on pouvait bien penser de quelqu'un qui a un patrimoine magique complètement différent, à part qu'il venait d'une région inconnue de notre propre territoire ?

Cela pourrait aussi se justifier par l'existence des aliens et celle, enfin, d'autres mondes... Mais qui irait penser à un truc pareille ?!

Aussi, face à des accusations qui se "tenaient", je n'étais pas sur de moi... Je tentais seulement de sauver les meubles. Ce que je pensais plus aisé si je me composais un air confiant :

- Et, parce-que tu n'as jamais vu une magie comme la mienne, tu pense que je viens d'un autre continent ? N'est-ce pas juste parce-que tu ne connais pas toutes les magies ? A vrai dire, c'est un peu présomptueux de croire tout savoir...

Voilà. J'avais miser sur ses éventuelles failles. Car peut-être qu'il avait lui même quelques doutes quant à ses affirmations.

Lehreï fronça les sourcils et un ange passa. Je me délectai de la vue : celle d'un homme assuré qui s'était mué en petite chose troublée et songeuse. "À quoi pensait-il ?" aurais-je pu me demander. Mais j'en étais déjà convaincu : il réfléchissait aux erreurs de son enquête... Peut-être même remettait-il en cause toutes ses connaissances ?

Je déchantai très vite : Lerhei eut un sourire en coin.

- Bien joué, ironisa-il en plantant avec plus d'aplomb son regard dans le mien. Bravo même. Tes déclarations auraient pu en déstabiliser plus d'un. Moi même, je n'ai pas bien saisi ce soudain revirement. Mais il ne t'enfonce que plus. Il est impossible qu'il y ai un pouvoir singulier à ce point, je te l'ai dit. Veux-tu que je te rafraichisse la mémoire sur les bases de l'histoire de la magie ?(Il me fit un clin d'œil). Étant donné que tu es d'ici, tu devrais pourtant la connaître. De quelle région viens-tu d'ailleurs ?