Victoria a toujours été seule. Est-ce à cause de ses cheveux blancs, de ses déménagements ou d'autre chose ? Elle ne sait pas et elle s'en fout. Mais quand elle rencontre Mathias, sa vie bascule. Lui, il est aussi seul qu'elle, mais il va venir la c...
Depuis toujours, on m'appelle "la vieille"... Ce n'est pas un joli surnom, mais avoir les cheveux blancs entraîne forcément ce genre de... complications. À force, on s'y habitue. C'est comme l'absence d'amis... Ça aussi ça fait partie de mon quotidien. J'ai toujours été seule. Sans frères et soeurs, sans personnes d'autres que mes parents... Et tout cela ne va pas s'arranger : aujourd'hui, j'entre dans mon nouveau lycée... J'ai déménagé avec mes parents il n'y a pas longtemps, et j'arrive en cours d'année ici. Ce n'est pas un bon plan pour faire des rencontres. Alors, comme d'habitude, je resterai seule, un bon livre à la main, mon Ipod sur les oreilles... Au fond de moi, je sais qu'il ne se passera rien, que personne ne me parlera. Pourtant, j'espère... Peut-être que cette fois, il va se produire quelque chose, un miracle, une...
Concentre-toi, Victoria. Compte tes pas... 1, 2, 3... Quel regard vont-ils porter sur moi, tous ? Que diront-ils sur mon passage ? Sans doute la même chose qu'à chaque fois... Et je retrouverai mon bon vieux surnom... J'entre dans le lycée. J'ai été inscrite chez les bourges, sans que ma mère s'en rende compte. Et ça saute aux yeux : les mecs ont des polos ou des chemises, les filles des jupes plissées, et des ballerines à petits talons. Et puis des chemisiers. Moi, j'ai mon vieux pull à rayures flasque, et une jupe longue. Et bien sûr mes fidèles bottines. Je dois détonner dans cette cour de récré, avec mes cheveux blancs et mon style vestimentaire ! Curieusement, ça me fait rire. Je dois avoir l'habitude, à force...
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Je rentre dans les bâtiments sous les regards désaprobateurs des lycéens. Peu-importe, je me fiche pas mal de ce qu'ils pensent. Je cherche la salle où j'ai cours. La directrice m'y attend pour me présenter à tout le monde. Ça promet comme entrée en scène... Enfin, ce n'est pas bien grave. Au point où j'en suis... La sonnerie retentit et les lycéens se mettent en branle. Les couloirs se remplissent, c'est la bousculade, le bordel bref, un lycée normal. Sauf qu'ici, pas d'insultes, de cris... Ils se pensent tous au-dessus de ça, sans doute. Ils m'énervent déjà, avec leurs grands airs... Un groupe se rassemble devant la salle, et une toute petite dame s'approche. Elle ouvre la porte et fait entrer la classe. Puis, elle se retourne vers nous.
« Madame Kingsley, je vous présente Victoria Harrington, qui sera désormais éleve dans cette classe. Je vous la confie, et vous laisse la présenter à ses camarades de classe.
- Comptez sur moi, Madame. Je prends en charge cette jeune fille. »
Elle me lance un sourire et un clin d'oeil par-dessus ses lunettes. Elle m'a l'air sympa, elle, au moins. La directrice s'éloigne, et ma prof m'observe un moment.
« Tu es prête à entrer, ou tu as besoin d'encore un peu de temps ?
- Je crois qu'il vaut mieux entrer maintenant, je dis. »
Madame Kingsley oche la tête. Puis, elle se retourne et ouvre la porte.
« Bonjour à tous. Avant de sortir vos affaires, écoutez-moi, s'il vous plait. Je vous présente Victoria qui fait désormais partie de la classe. Je vous demande de l'accueillir comme il se doit. »
Pendant que la prof fait un mini discours sur l'accueil et tout le tralala, j'observe les élèves. Ils se ressemblent tous, et aucun ne me regarde vraiment. J'ai l'impression que leurs yeux me traversent, ou s'arrètent sur un détail de mes vêtements. Ils n'osent même pas regarder mes cheveux, les lâches ! Alors par provoc (parce que de toute façon, je n'aurai pas d'ami) je fais un mouvement de tête qui fait voler mes mèches blanches. Mais je n'ose pas sourire. Là, tout de suite, c'est au dessus de mes forces. Parce que je fais la fière, mais j'en mène pas large, en vrai...
Je cherche la place qui m'est destinée, et la trouve au fond de la classe, à côté d'un garçon qui ne me regarde même pas. Tant mieux, il ne me jugera pas trop vite celui-là.
« Mathias, tu peux au moins la regarder, ça ne va pas te tuer, et c'est la moindre des politesses ! se fâche la prof. »
Le Mathias en question n'est autre que mon futur voisin, qui lève la tête vers moi. Et là, je manque m'étouffer sous le choc... Il ne ressemble PAS DU TOUT aux autres mecs du bahut. Il a le teint basané, des grands yeux verts, une moue boudeuse vissée sur les lèvres. Mais le plus étrange, c'est ce qu'il a sous les yeux : il est tatoué, comme si deux larmes de héné avaient laissé des traces parfaitement symétriques et droites sur ses joues. À vrai dire, il est plutôt pas mal, ce Mathias. Mes joues rougissent un peu, comme elles le font trop souvent. Maman dit que ça fait mon charme, moi je trouve ça ridicule. Enfin toujours est-il qu'il a l'air aussi troublé que moi. Il ne décroche plus ses yeux des miens. Un léger sourire apparaît sur ses lèvres avant de disparaître aussi vite qu'il est venu. Peu importe, j'ai eu le temps de le voir éclairer son visage. Il me fixe avec une telle intensité, que je baisse les yeux, gênée. La prof m'invite à m'asseoir à ses cotés.
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Il pousse ses affaires de ma chaise, et nous nous asseyons tous. Brouhaha habituel, regards plus ou moins discrets sur « la nouvelle », c'est à dire... Ben, moi. Mathias se penche discrètement vers moi, et murmure dans mon oreille « Bienvenue aux pays des horreurs, jolie Alice »
