Back

4 1 1
                                    

J'entends Joachym qui continue à m'appeler, à me parler. Alors, dans un effort presque surhumain, j'entrouvre mes lèvres et tente de prononcer son nom. Ça ne ressemble à rien, mais il m'entend et se rapproche.

« Victoria ? C'est toi qui a fait ça ? »

J'attrape lentement sa main et la serre un peu. Puis, avec un temps qui me semble infini, j'ouvre mes yeux. La lumière blanche qui assaille mes pupilles me fait cligner des paupières. Je regarde autour de moi, les appareils, le plafond, et penché sur moi, Joachym, tout sourire, des cernes énormes et le teint pâle, qui me dévore des yeux...

« Bienvenue chez les vivants, mon Alice !!!! Tu nous as bien fait peur... Je suis content que tu sois de retour !!!! »

Il se penche au dessus de moi et appuie sur un bouton rouge. Le bouton d'urgence. Pendant une ou deux minutes, il me regarde sans rien dire, l'air ravi. Moi, je n'ai pas la force de parler, alors je me tais aussi. Puis, le docteur entre. « Il y a du nouveau ? Oh ! Victoria ! Vous êtes réveillée ! Bienvenue parmi nous ! Jeune homme, il va falloir que vous sortiez, je dois vérifier qu'elle va bien...

- Ah, oui, bien sûr. Vous m'appelez quand vous avez fini ?

- Je n'y manquerai pas. Dehors maintenant. »

Mathias sort de la pièce, en trainant un peu les pieds. Le docteur m'assied, m'ausculte, vérifie le bandage qu'il a posé sur ma cicatrice, branche des appareils, en débranche d'autres... Il s'agite un peu, me pose des questions : qui je suis, comment je m'appelle, quel métier fait ma mère, où est mon père... Je réponds avec lenteur, mais ma langue se délie de plus en plus, et je finis par parler avec une certaine facilité. Finalement, le docteur m'annonce que je vais rester un peu en observation, pendant deux trois jours, puis qu'il me laissera sortir. Je hoche la tête et il ressort. Joachym fait irruption dans la chambre à peine quelques secondes plus tard.

« Je suis super content que tu sois revenue. Tu m'as manqué, mon Alice... Mais ne parlons plus de ça. Tu te sens bien ?

- Comme une fille qui est restée dans le coma pendant une journée, qui se réveille dans un hôpital, avec son seul ami à ses côtés, sa mère indisponible et son père mort. Bof, donc...

- Heu, en fait, ça fait une semaine que tu es dans le coma... Et ta mère est en route pour venir te voir. Elle est désolée pour... tout ça. Mais elle te le dira en arrivant.

- Attends, tu as dit quoi ? Une semaine ? C'est une blague, c'est ça ?

- Ben non... Ça fait une semaine que ta mère et moi alternons les veilles. Moi, je viens après les cours. Et parfois la nuit, même si ma mère n'est pas trop d'accord.

- Les cours ont repris ? Mais c'est pas vrai... Qu'est ce qu'il s'est passé d'autre ?

- Pas grand chose. Tu t'es évanouie le jeudi matin, le vendredi soir, on nous annonçait que l'école reprendrait le lundi. Ils n'ont pas trouvé qui avait organisé l'attentat. Le week-end, rien, et puis on est retourné en cours, et ils ont fait comme si de rien n'était, nous parlant trop rarement des « événements »... Voilà. »

Joachym se tait. Je le regarde. Intensément. Cette fois-ci, c'est lui qui baisse les yeux. Puis il lève la tête. Il a retrouvé sa moue boudeuse qui me fait fondre.

« Quand tu sortiras, il faudra que je te dise un truc, m'annonce-t-il.

- Tu ne peux pas le faire maintenant ?

-Non. »

Pas d'explications. Je m'apprête à le pousser à parler, quand la porte s'ouvre sur ma mère, les cheveux en bataille, les joues rouges, sa blouse tachée encore sur les épaules.

« Ma chérie, s'écrie-t-elle. Tu es réveillée ! Oh mon dieu, comme j'ai eu peur ! Je suis désolée de n'avoir pas été là pour toi, mais je n'avais pas prévu tout ça... »

Elle s'assied sur mon lit, me prend doucement dans ses bras, et me serre contre elle. Elle passe sa main dans mes cheveux, comme quand j'étais petite. Je me rends compte que c'est la première fois que je vois maman depuis la veille de la mort de papa. Quand elle s'éloigne de moi, j'ai un frisson. Il fait froid, soudain.

Le soir, nous mangeons tous les trois dans ma chambre : Joachym et maman des sandwichs et moi le repas de l'hôpital. Je les écoute discuter, et j'apprécie le fait qu'ils aient l'air de bien s'entendre. Je me mets à rêvasser dans mon coin. Au bout de quelques minutes, je me rends compte qu'ils me regardent en ayant l'air d'attendre quelque chose de ma part. Oups. Je ne sais pas du tout ce qu'ils me veulent... Je fais un pauvre petit sourire, et ils explosent de rire. Et je ris avec eux. Ça me fait mal, mais ça me fait surtout un bien fou. Quand l'hôpital demande aux visiteurs de partir, Joachym repart, me laissant seule avec ma mère. Nous discutons rapidement, et je m'endors paisiblement, soulée par les médicaments. Le lendemain, je dors presque toute la journée. À chaque réveil, mon « veilleur » change : une infirmière, Joachym, maman... 

De toutes mes forcesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant