VI. Enfermé

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Mon père m'a regardée, les yeux pleins de compassion, puis il a continué son récit après avoir repris sa respiration.

- Tu sais, je pense qu'on ne le dit jamais assez, mais l'hôpital, ou plutôt l'univers qui le renferme, est l'une des choses les plus horribles qui puissent être sur Terre. Je ne sais pas comment l'exprimer, car les mots peuvent avoir le pouvoir incroyable de soigner, mais encore faut-il les utiliser justement, et à bon escient. Je ne te promets rien, mais je vais essayer...
Comme je le disais, j'ai imploré ta mère pour ne pas qu'elle me laisse là-bas. Je n'étais pas à ma place. J'avais « seulement » emmagasiné tout ce que cet homme, celui qui avait contribué à la destruction partielle de ma vie et de ma santé mentale, m'avait si souvent rabâché. Il m'avait pour ainsi dire enterré plus bas que Terre, et je me retrouvai alors enfermé là-bas.

Le jour où je n'ai pu tenir plus longtemps psychologiquement, où mon esprit et mon corps se sont comme « séparés », j'avais perdu toute notion : « Où? Quand? Qui? Pourquoi? »
Je ne savais pas ce qui se passait, mais ce dont j'étais certain était que je n'étais plus MOI.
Je ne savais pas où je me trouvais, mais j'errais dans la rue..

Souvent je m'arrête pour observer les passants, les voitures, et même le paysage. Mais le problème? Je regarde, mais ne vois rien. J'ai l'impression que l'on a pris mes yeux pour regarder autour de moi, mais qu'on ne me les rendra jamais dans leur ancien état..
Les secondes, les minutes défilent aussi vite qu'un sablier que l'on vient de retourner. Tout le monde me regarde comme j'étais une bête de foire, arrêté au milieu de la chaussée.
Les voitures, furieuses, continuent leur course folle comme si j'étais transparent ; j'entends que l'on klaxonne mais impossible, je ne peux pas réagir.
J'ai perdu les commandes, de mon corps et d'une manière plus générale, de ma vie. Puis on m'embarque. Je suis raide. Je crois apercevoir un brancard sur lequel on m'allonge et le véhicule démarre. Il roule pendant un moment, puis je sens le moteur s'arrêter.
Je suis descendu du brancard puis emmené aux urgences, ou je suis admis tout de suite.

À partir de là, le cauchemar a commencé et n'a jamais cessé de s'amplifier et de s'accaparer mon esprit.

Double JeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant