PDV Taehyung
Les voitures qui passaient dans la rue me filaient un mal de crâne impossible. Comment était-ce possible de faire autant de bruit ? Sérieusement ? Il devait être aproximativement trois heures du matin, peut être un peu plus, un peu moins, je ne savais plus. J'étais assis sur le petit balcon de l'appartement, et fixait la rue en contrebas. Nous ne vivions pas dans une allée si fréquentée, mais elle était à proximité de clubs et de bars. Bien évidemment, dès qu'il était l'heure de sortir du bureau, tous ces imbéciles se précipitaient à leurs comptoirs pour se bourrer la gueule. Je voyais passer une population assez diverse sous mon balcon, pouvant aller de lycéens à des prostituées, et des patrons de grandes entreprises. J'aimais ça, regarder les gens passer, sans qu'eux ne me voient bien sur. Ce soir là, je n'étais pas vraiment d'humeur, je me sentais assez vide, à vrai dire. Nam' était sorti, je ne sais où, Jessi ne répondait à aucun de mes messages, et je n'avais même pas allumé mon ordinateur, c'était pour dire.
Ces derniers temps, j'étais vraiment pris par une certaine fatigue, qui m'empêchait même de travailler. Bien sur, je me rendais au café, mais j'étais loin d'être efficace. Avoir Jimin à mes côtés aidait, grâce à lui, le patron ne se rendait compte de rien. Je n'étais quasiment jamais passé par ce genre de période auparavant, à part une fois. Je n'arrivais plus à rien faire, rien ne m'intéressait. J'avais l'impression que les liens que j'entretenais avec mes amis étaient floutés, que quelque chose changeait, et je m'isolais encore plus. Mes motivations me semblaient tellement fades, ce que je haïssait ne me semblait plus si détestable. C'était une véritable période de vide, sans rien. Rien pour me pousser à me reprendre, rien pour me pousser à être prudent, à faire des efforts avec qui que ce soit. Je m'en fichais. Mes humeurs étaient fluctuantes, depuis toujours, mais je constatais avec l'âge, et les expériences que j'avais vécues, que cela n'allait qu'en s'empirant.
J'eus un petit rire étouffé et bus une gorgée de mon verre de red bull. Bah, je finirais bien par me reprendre. Ce n'était qu'une question de temps, et surtout, ce n'était qu'une période. Et je savais très bien ce qui amenait cette période, à vrai dire. Je ne la traversais pas systématiquement, mais en général, à ce moment de l'année, j'étais au plus bas. (Et non, ce n'était pas un genre de règles pour les mecs, merci bien.)
Je n'échappais pas aux stéréotypes du mec sombre et mystérieux, j'étais hanté par certains souvenirs. Je ne les qualifiais pas vraiment de traumatismes, mais ils s'en approchaient, assez pour que j'en fasse des cauchemars et que je devienne incapable d'hacker un simple site. Des moments que je regrettais de toute mon âme, que j'aurais souhaité effacer de ma vie. Qui me rendaient mauvais. Je faisais pourtant des efforts, et c'était le pire, je faisais des efforts pour paraître le moins mal possible. Ils me semblaient bien dérisoires, quand je voyais dans les yeux de Nam' une lueur d'inquiétude, et que je constatais que Jessi m'évitait. Ils n'aimaient pas me confronter quand j'étais dans cet état, je refusais de les écouter et avais tendance à m'enfermer dans ma culpabilité. Ils avaient raison, de ne pas chercher ma compagnie.
Je constatais avec une certaine déception que mon red bull était terminé. J'étais bien trop paresseux pour me lever et aller en chercher un autre, alors je haussai les épaules et jouai distraitement avec l'emballage vide. Une bande de lycéens passait en contrebas, je les trouvais bien bruyant, trop, même. Je dus me retenir pour ne pas leur jetter ma canette sur la tête, après tout, il ne fallait pas qu'on me repère.
Je t'ai apporté bien plus que ce que tu ne l'admets, tu t'en rendras compte un jour.
Les lycéens rentrèrent dans le club le plus proche, j'entendis pendant un instant la musique à plein volume, puis plus rien, seulement un bruit étouffé. Peut être que j'aurais du sortir, ce soir, m'en mettre plein la gueule, danser, m'amuser, et me réveiller avec une gueule de bois pas possible. Non, je détestais ça, je n'aimais pas l'alcool, je n'aimais pas la drogue, j'étais effrayé par les changements de comportement qu'ils provoquaient. Pas question de me détraquer encore plus le cerveau.