CHAPITRE 4

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Yaëlle comprit aussitôt pourquoi elle ne l'avait pas reconnu. Il avait laissé pousser ses cheveux mais aussi sa barbe et même si c'est avec beaucoup de peine qu'elle dut se l'avouer, cela lui allait à ravir. Ses yeux d'un bleu pâle la détaillaient de haut en bas et elle se sentit franchement intimidée. Il semblait tout aussi mal à l'aise qu'elle vu la façon dont sa mine avait viré au rouge lorsqu'elle s'était approchée. Une énorme boule s'était formée au creux de son ventre. Pourquoi avait-il fallu que ce soit dans ce restaurant qu'il se ramène? Pourquoi pas un autre? Pourquoi justement celui dans lequel elle travaillait?
Malheureusement il était trop tard pour faire marche-arrière et vu que sa paye dépendait de ce boulot, autant bien le faire. Elle souffla légèrement, ajusta son buste et arbora un sourire qui se voulait le plus sincère.

- Bonsoir Monsieur et Dame. J'espère que vous êtes bien installés. Êtes-vous prêts à commander?

La demoiselle blonde aux côtés de Julien Massettes ôta enfin ses yeux du menu avant de les poser sur Yaëlle. Elle était très jolie avec ses grands yeux presque gris et ses longs cils. Mince et élancée, ses cheveux blonds étaient simplement coiffés en un haut chignon mais d'elle se dégageait tout de même une allure si sophistiquée. Ses lèvres étaient recouvertes d'un rouge à lèvres vif et même si tout cela ne pouvait être que source d'admiration, sa mine sévère rompait quelque peu le charme. Du moins, c'est ce qu'en jugea Yaëlle.

- Pour ma part ce sera une salade chinoise allégée en sel et sans carotte râpée avec un verre de jus de goyave. Et toi mon chéri?

La jeune serveuse sentit comme une lame invisible transpercer sa poitrine à l'entente de ces derniers mots: « mon chéri ». C'était donc bien ce qu'elle pensait: ils étaient ensemble. Et dire qu'il y'a encore quelques mois de cela, c'est elle qui l'appelait ainsi.

Julien qui était tout enjôleur au départ avait perdu tout son romantisme et sa gaieté. L'on pouvait apercevoir ses lèvres trembloter et un rictus se former le long de sa mâchoire. Il n'osa même pas s'attarder plus longtemps sur les innombrables choix culinaires qui s'offraient à lui qu'il répondit simplement:

- Je vais prendre la même chose, tout en évitant timidement de croiser le regard de son ex petite-amie.

Yaëlle ne se fît pas prier pour s'éloigner après avoir noté leurs commandes. Elle apporta les mets quelques minutes plus tard et les disposa en priant à chaque seconde que son corps ne flanche pas. Elle sentait ses jambes se dérober sous son poids tant le regard insistant de Julien la déstabilisait.

Plus les secondes s'écoulaient et plus Yaëlle logée près de la cuisine, songeait à se rapprocher de leur table pour lui envoyer une belle claque en pleine face. Il est vrai que Julien était devenu beaucoup plus charmant qu'au temps de leur rupture mais Yaëlle n'avait pas pour autant oublié comment il s'était comporté envers elle. Leur séparation s'était faite de façon si brutale qu'elle ne l'avait plus revu depuis ce jour-là. Il avait bien changé depuis. Et pourtant en le voyant là aux côtés de cette étrangère, son cœur avait fait un énorme bond dans sa poitrine.

- Quel imbécile se dit-elle intérieurement.

Une quarantaine de minutes plus tard lorsque son ex petit-ami et sa nouvelle conquête s'en allèrent, le poids sur les épaules de Yaëlle put enfin s'évanouir. Elle s'éclipsa dans les vestiaires où elle sauta immédiatement sur son téléphone. Elle n'eût pas à chercher le contact bien longtemps dans son historique d'appels car il s'agissait tout simplement de celui avec lequel elle avait échangé sa dernière conversation.

- Allô? Ma...

- J'ai changé d'avis pour ce soir. On sort!

Elle raccrocha aussitôt de peur de se faire sermonner par son responsable. Le travail reprit et la jeune dame n'avait plus qu'une seule envie: que le restaurant ferme afin qu'elle puisse enfin s'amuser et pour quelques heures tout oublier.

L'arrangement (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant