Garde-à-vue

Chapitre 15

Ça fait une heure que je suis assise devant la tombe de Léo, me demandant si la décision que j'ai faîte est la meilleure ou la plus stupide que j'ai prise.

Je compose le numéro de Stan, les mains tremblantes. Il répond à la deuxième sonneries, sa voix joyeuse retentissant dans l'appareil.

- Hey, Elou ! Alors, c'est comment Paris ?

J'essaie de maîtriser ma voix et d'avoir l'air aussi enjouée que lui :

- C'est super, vraiment super !

- Qu'est-ce qui se passe ?

- Rien, tout va bien Stan.

- Ne me prend pas pour un con. Ta voix tremble, c'est que tu ne vas pas bien. Alors qu'est ce qu'il y a ?

En trois ans, il a apprit à bien me connaître ce petit chieur.

Je caresse la pierre tombale du bout des doigts, inspirant un bon coup.

- Je ne rentre pas.

Un long silence ce fait entendre à l'autre bout de la ligne avant que la voix de mon ami ne retentisse à nouveau.

- Qu'est-ce que tu entends par je ne rentre pas ? Tu rallonge ton séjour, ou tu restes là-bas indéfiniment ?

- Je vais rester ici.

- Mais pourquoi ?

Mes doigts parcourent toujours la pierre tombale et je tombe sur les écritures, je pose mon regard dessus et lit les mots "Grand frère".

Je n'arrive plus a retenir mes larmes et je craque complètement.

- Éléa ? Qu'est ce que tu as ?

J'entends l'inquiétude dans sa voix et je me sent encore plus mal qu'il y a quelques secondes.

- Parle moi Éléa ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Ma langue se délie et je lui explique tout. La vrai raison de mon arrivée à Baltimore. Ma réticence à parler de ma famille. Pourquoi je suis rentrée chez moi.

Il ne m'interrompt pas une seule fois et au bout de quelque secondes de silence après mes explications, il prend la parole.

- Pourquoi tu ne m'en a jamais parlé ?

- Je voulais oublier.

- Tu ne peux pas oublier quelque chose comme ça. Au mieux, tu peux apprendre à vivre avec.

Mon ami parle doucement, ce qui m'apaise instantanément.

- C'est pour ça que tu ne rentre pas ?

- Oui, mais peut-être aussi à cause de Louis..

- Louis ? Qui c'est celui là ?

Je rigole au ton de sa voix.

- Tu as rigolé !

- C'est ta façon de parler abrutis.

- Et tu m'insulte, c'est que ça va un peu mieux.

- Tu as cette effet sur moi.

Je lâche sans réfléchir et j'entends son rire tonitruant.

- Tu sais qu'il y a un double sens là ?

- Oh la ferme !

- Donc...Louis ?

- C'est hum...c'était un ami et....

J'arrête de parler, ne sachant pas vraiment comment lui expliquer en quoi la courte conversation que j'ai eu avec lui m'a fait changer d'avis.

- Et ?

Stanley insiste et je me vois obligé de continuer.

- Et euh..il vient de me faire comprendre qu'il valait mieux que je rentre à Baltimore parce que j'ai fait plus de mal que de bien en partant il y a trois ans.

- Et donc toi, tu as décidé de rester là bas ?

- Oui.. C'est stupide ?

- Non, non non non. Mais je ne comprends toujours pas en quoi ce qu'il t'a dit t'as sollicité dans le choix que tu as fait de rester. Vu ce que tu me dit là, il n'était pas vraiment heureux de te revoir.

- Bah..

-Tu me cache encore quelque chose. Qu'est ce qu'il a bien pu te dire pour que tu décide, malgré tout, de ne pas rentrer à Baltimore ?

- Il m'a avoué qu'il m'aimait quand je suis partie. Je ne le savais pas à l'époque et je pensais pas que c'était le cas, on étaient proches mais..

Il me coupe, son ton se faisant de plus en plus curieux.

- Proches comment ?

- C'est vraiment bizarre de parler de ça par téléphone avec toi.

- J'arrive alors !

- Tu ne peux pas faire ça !!

- Bien sûr que si, je suis majeur et vacciné !

Je roule des yeux à sa réponse mais ne dit rien.

- Je suis sur que tu viens de rouler des yeux !

- Comment tu..

- Je te connais comme si je t'avais faite !

-Et le travail ?

- Je vais prendre des vacances. En plus, tu dois me faire goûter tout les trucs bizarres de France !

Je me rappelle alors qu'il va falloir que j'appelle l'agence pour leur donner ma démission.

- Faudra que je les appelle pour les prévenir que je ne reviendrai pas.

- Tu as encore trois semaines devant toi, tu as le temps El.

- Stan ?

- Éléa ?

- Tu peux pas être sérieux plus de dix minutes consécutives hein ?

- Probablement pas, non. Bon, je prend le premier vol que je trouve, je t'appelle pour te tenir au courant  ! Allez sal...

Je le coupe avant qu'il raccroche :

- Stan !

- Oui ?

- Merci.

- C'est normal Elou, et ne désespère pas. Ça ira mieux, je te le promet.

- Ne fait pas de promesse que tu ne pourra pas tenir.

- Tu iras mieux. Je m'y engage personnellement !

Je lève les yeux, sachant que ça ne sert à rien d'insister, puis décide de changer de sujet.

- T'as pas un vol à réservé ?

- Ah oui, c'est vrai ! Je te rappelle dès que c'est fait !

Il raccroche juste après et je range mon téléphone, un petit sourire au lèvre, finalement j'ai bien fait de l'appeler.

Je regarde une dernière fois le marbre gravé et me relève, me dirigeant vers la sortie du cimetière.

Je suis à peine rentrée dans ma voiture  que mon portable sonne.

Je l'attrape et sourit en voyant le nom de l'appelant.

- Qu'est-ce que t'as oublié Stan ?

- Bah je sais pas ou t'habite, donc je sais pas ou atterrir moi..

- Tu mettras Orly, je viendrais te chercher et tu pourras visiter Paris en même temps.

- Ok ! A bientôt El !

- Salut Stan.

Je range à nouveau mon portable et démarre la voiture, regardant l'heure sur le tableau de bord et voit qu'il est bientôt 19h00. Il est temps de rentrer et d'expliquer à Aria que finalement, je ne vais pas repartir dans trois semaines.

Je vais devoir trouver une petite maison, ou un appartement, appeler le boulot..

Je soupire en pensant à tout les changements que ma décision implique, mais je ne la regrette pas.

J'ai fait le bon choix.