- Chapitre 4 -

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Le souvenir de cette nuit me plonge dans l'angoisse. Ma poitrine se comprime sous le poids de la panique, je n'arrive plus à respirer, je vais m'évanouir, ici, maintenant. Aligner deux pensées cohérentes est au-dessus de mes forces.

Je suis partagée entre l'envie de partir en courant et celle de rester ici et défier Becky. Cela ne peut pas être réel.

Andrew Anderson me fixe toujours, impassible. Je tente de garder une attitude naturelle malgré ce cri d'effroi qui ne demande qu'à sortir de ma gorge.

– Emma Reyes, c'est bien ça ?

Je déglutis, parviens à acquiescer. Suis-je capable de prononcer un mot ? Je serre mes doigts pour les empêcher de trembler. Surtout, ne pas se trahir.

Il désigne son bureau, m'invitant à m'installer. Il joint ses mains sur la surface en chêne. Derrière lui, des vitres immenses, New York en majesté. Je laisse mon regard balayer les buildings. Tout plutôt que de croiser ses yeux bleu acier. Se souvient-il de moi? Il n'en donne pas l'impression.

– Un diplôme d'études supérieures obtenu en deux ans ?

 – Oui, réponds-je à mi-voix.

Son regard est moins méfiant qu'inquisiteur. Il replonge dans mon CV, et je ne peux m'empêcher de fixer sa bouche. Il n'a pas souri une seule fois. S'il le faisait, pourrais-je y voir deux canines plus longues que le reste de sa dentition ? La peur me tenaille, une myriade d'hypothèses se bousculent dans ma tête.

Je prie pour qu'il mette mon trouble sur le compte du stress. Après tout, il doit avoir l'habitude de déstabiliser les gens.

Il relève la tête.

– Pourquoi Anderson Corporation ? demande-t‐il.


J'ai tant de choses à répondre. Je pourrais lui expliquer,

par exemple, à quel point je trouve incroyable leur projet d'application mobile Giveblood, qui permet de localiser les donneurs de sang disponibles aux alentours. C'est d'ailleurs l'une des principales raisons qui m'ont poussée à suivre de près les travaux de cette entreprise. C'est vrai, je suis admirative mais, en cet instant, je me sens incapable de me montrer enthousiaste. Je voudrais quitter ce bureau, oublier ce que j'ai vu dans cette ruelle au plus vite, et ne plus jamais recroiser cet homme. Mais si je n'avais rien vu du tout ? Si je devais ces images affreuses à Becky ? Ma raison s'effrite. Tout ce que je sais, c'est que je suis peut-être en train de passer à côté de l'opportunité de ma vie à cause d'une stupide hallucination.

Respire, me dis-je, reprends-toi.

– J'ai entendu beaucoup de bien de... votre entreprise et je... j'ai envie de travailler dans un établissement... réputé, dis-je, en cherchant mes mots.

M. Anderson émet un rire poli, puis esquisse un sourire, révélant des dents parfaitement droites. Aucune canine anormalement protubérante. Mais alors, comment... ?

Le Pacte d'EmmaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant