Durant le reste de la semaine, Andrew prend bien soin de ne plus m'adresser la parole. Chaque matin, je frappe à sa porte pour le saluer, manifester ma présence, lui montrer que je suis une assistante sur qui il peut compter, en somme. Et chaque matin, il m'ignore. Alors, je regagne mon bureau, ouvre ma boîte mail et commence ma journée avec une tasse de thé.
Andrew a mis en place une routine. Tous les jours, en fin de matinée, il va et vient dans mon bureau, jette un coup d'œil aux feuilles éparpillées autour de mon ordinateur, en ramasse deux ou trois, s'installe dans le fauteuil en face de moi, les lit en silence, puis retourne à ses occupations. Chaque fois, j'espère qu'il va m'adresser un mot. Il ne le fait pas.
Parfois, l'espace d'une fraction de seconde, son regard croise le mien, et je me sens perdue. Depuis la discussion que nous avons eue, je ne sais plus comment me comporter en sa présence. Je ne voudrais pas que mon silence soit mal interprété ; j'essaie de garder un air détaché. Il est impossible, cependant, qu'il ne remarque rien quand il entre dans la pièce – le rythme de ma respiration qui s'accélère et, surtout, cette manière détestable que j'ai d'enlever et de remettre en permanence le capuchon de mon stylo. Est-ce que j'aime cette tension ? Est-ce que je la hais ? En tout cas, ce silence me déstabilise.
Je prends conscience de mon état de dépendance lorsque, le cinquième jour, il ne vient pas... On est vendredi, et l'idée de partir en week-end sans le voir bouleverse tous mes repères. À peine une semaine que je travaille ici, et je me suis déjà habituée à ce petit jeu. Je mordille frénétiquement mon stylo. Pourquoi ne s'est-il pas montré ? Où est-il ?
Je balance mon stylo à l'autre bout de la pièce. Mon geste me surprend moi-même. Il faut que cette mascarade cesse – je dois me débarrasser de cette emprise malsaine. Parce que tout est calculé, j'en suis sûre : il cherche à provoquer ce trouble, il veut que je cède.
Ses paroles résonnent dans ma tête : « Tu pourras honorer ta part de notre pacte le jour où on fera l'amour Emma. Je sais que ce jour viendra et je te garantis que tu adoreras ça. »
– Non ! m'écrié-je malgré moi.
Je me frotte le visage. J'ai attendu jusqu'à 13 heures qu'il franchisse cette fichue porte. Je ne suis toujours pas descendue me chercher de quoi manger. Par de simples visites silencieuses, Andrew a réussi à me rendre dépendante de lui. A-t-il eu recours à ses pouvoirs ou suis-je juste faible ?
Je regarde par la fenêtre. Il fait gris, le soleil peine à percer, New York semble plongé dans une semi-obscurité. Hors de question que je reste une minute de plus dans ce bureau. J'enfile mon manteau, mon écharpe et mes gants, et décide de sortir pour aller m'acheter un sandwich chaud.
J'échange un sourire avec Vanessa et m'engouffre dans l'ascenseur. Durant toute la semaine, à chaque fois que je montais ou que je descendais, je me suis demandé à quel étage travaillait Matthew. Bientôt sept jours que je n'ai pas eu de ses nouvelles. Est-ce qu'il m'évite ou est-il occupé à autre chose ? Est-il... fâché ?
Le tintement de l'ascenseur met fin à mes rêveries. Les portes s'ouvrent, et je suis toute surprise de voir entrer Nathan.
– Emma ! Quoi de neuf ? s'exclame-t-il en me prenant dans ses bras.
Je lui rends son étreinte.
– Tu viens voir Matthew ?
Nathan s'appuie contre la paroi de l'ascenseur. Il porte un pantalon noir très moulant qui tombe bas sur ses hanches et une veste en cuir qui s'accorde vraiment mieux avec son look que le haut de costard de l'autre soir.
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Le Pacte d'Emma
VampireElle est mourante, lui seul peut la sauver, mais à quel prix ? Je pensais qu'en me lançant dans ce pacte je risquais seulement ma vie, mais c'est ma raison qui est en train de s'envoler.Je l'ai embrassé, mais ce n'est pas ce qui est le plus déraiso...