Le Pacte d'Emma

- Chapitre 20 -

Lundi, Andrew est de retour. Il m'ignore. J'ai l'impression d'avoir déjà vécu cela. Je frappe à la porte de son bureau, et il ne prend pas la peine de me répondre, encore moins de m'ouvrir, demeurant invisible pour le reste de la journée. Vanessa tente de me rassurer en me disant qu'il a ses jours avec et ses jours sans. Je pense qu'il a surtout des jours sans.

Ai-je cru qu'il s'excuserait ? Andrew Anderson ne s'excuse jamais. Je pensais qu'on s'était peut-être rapprochés, que ça avait de l'importance. Je me suis trompée.

Mercredi soir, résultats de mes derniers tests médicaux. Beckyngton s'est stabilisée. Un sursis, mais pour combien de temps ? Je griffonne sur mon carnet. Andrew me manque, voilà. Je pense à lui plus qu'à Becky. C'est idiot.

Je m'allonge un moment, ferme les yeux, tente de me calmer. La frustration se mêle à la colère, l'incompréhension. Mon frère m'appelle depuis le salon. Je referme mon carnet et le rejoins pour le dîner. Nous regardons une émission musicale sur une chaîne du câble. Je triture ma nourriture, répondant machinalement à ses questions. Puis je l'interromps.

 – Dis, comment tu expliquerais le comportement d'une personne qui s'énerverait très fort avant de disparaître, juste parce que quelqu'un qu'elle connaît aurait accepté de... enfin, de...

Je cherche mes mots. À quoi comparer une morsure ?

– De... ?

Je le regarde un instant en silence.

– De faire quelque chose d'intime... Enfin, pas ce que tu penses, ajouté-je en voyant les yeux de mon frère s'écarquiller.

– On parle de toi, là ?

– Non ! Non, pas du tout... Il s'agit de Rebecca, et... et ce n'est pas intime au sens où tu l'entends... Ah, laisse tomber. C'était débile.

– Non, dis-moi. Tu veux comprendre pourquoi il s'est énervé et a... disparu, c'est bien ça ?

– Oui. Et cette personne avait déjà fait cette chose... cette chose intime avec lui... avant de le faire avec l'autre.

Je prends conscience de l'évidence de la situation au fur et à mesure que les mots sortent de ma bouche. Mon frère semble s'en apercevoir car un large sourire s'étire sur ses lèvres.

– C'est pourtant évident, non ?

Rien n'est évident avec Andrew. C'est ce que je me répète depuis une heure. Sur mon bureau, la petite boîte, le fameux pendentif. Aujourd'hui, j'ai la sensation qu'il ne représente plus rien. Il a pourtant promis...

Après une longue hésitation, j'ouvre la boîte, saisis le bijou. C'est alors que je remarque qu'un petit bout de papier plié y est accroché. Comment ai-je pu ne pas le voir ? Je déchiffre le message qui y est inscrit : « En remerciement pour ton travail, pour ta patience, et pour le plaisir de collaborer avec une personne aussi déterminée. »

Le Andrew d'il y a quelques semaines n'aurait jamais écrit une telle chose. Je me rappelle certaines conversations. Becky ne les a pas effacées. Peut-être ne les a-t-elle conservées que pour me faire du mal ?

Je voudrais être en colère, folle de rage. Il a mis ma vie en danger, et celle de son frère. De quel droit peut-il s'énerver ainsi et m'ignorer comme il le fait ? J'aurais préféré ne pas lire ce message, car il fait remonter bien trop de questions... Qu'a-t-il bien pu se passer pour qu'il se comporte ainsi ? Matthew aussi a vécu un drame. Mais il a gardé sa sensibilité, il continue de s'émerveiller, d'éprouver de la joie, du chagrin. Chez Andrew, il n'y a plus que de la colère. Et je veux comprendre pourquoi.