Assis sur le canapé gris chiné du salon, Andrew m'observe. La lumière des lampadaires pénètre dans la pièce plongée dans la pénombre, donnant à son visage un air menaçant. Deux certitudes s'imposent alors à moi. Premièrement, je n'ai pas imaginé la scène de la ruelle. Deuxièmement, il sait que je l'ai démasqué.
Au fond de moi, je redoutais ce moment depuis le jour où j'ai quitté le building d'Anderson Corporation. Ma tête me dit de fuir, mais mes pieds sont cloués au sol. Use-t-il de son pouvoir ?
– Je vous ai connue plus polie, Emma. Que vous arrive-t-il ? Ne me dites pas que je vous fais peur !
Pas le temps de reprendre mon souffle : soudain, il est là, tout près de moi, alors qu'il se trouvait sur le sofa une seconde plus tôt. Quel homme est capable d'une chose pareille ? Aucun, évidemment. Mon cœur palpite, ma respiration est douloureuse. Délicatement, ses lèvres se retroussent en un sourire carnassier.
– C'est ce que vous ressentiez lors de notre dernière entrevue ? De la peur ? Ou peut-être était-ce du désir ?
Je le regarde sans comprendre.
– Comment ?
– Votre cœur battait anormalement vite, mais votre regard paraissait étrangement calme, en comparaison. C'est pourquoi je m'interrogeais. Aviez-vous peur que je vous réserve le même sort qu'à cette jeune femme dans la ruelle ? Ou espériez-vous simplement plus, si affinités ? Dans les deux cas, nous pouvons en discuter.
Mon visage se fige.
– Ah ! La peur, enfin ! Je commençais à m'inquiéter.
Je recule d'un pas, me cognant au secrétaire de l'entrée. La lampe qui trônait dessus tombe, se brise sur le sol. Il est si proche. Je vais mourir.
– Aucune larme. Pas la moindre supplication. Voilà qui est plutôt rare ! s'exclame Andrew en souriant.
– Vous allez me tuer ?
Les mots m'ont échappé. Je porte une main à ma bouche. Sa présence me pulvérise, me paralyse tout entière. Tant bien que mal, je tente de rester stoïque. Mais la peur dissout mes entrailles.
– Voilà une question bien banale. Je suis déçu ; j'attendais mieux.
Il arque un sourcil, croise les bras avec un air boudeur, avant de se remettre à sourire. Je fixe sa bouche, ses lèvres pulpeuses qui se retroussent, laissant voir ses dents parfaitement alignées, d'un blanc immaculé.
– Arrête de fixer ma bouche comme ça, je vais finir par croire que tu meurs d'envie de m'embrasser.
Je continue de l'étudier en silence, me refusant à le supplier. Il a une peau parfaite, et ses yeux sont bien plus pâles que dans mes souvenirs – ils ont la couleur du ciel avant l'orage, un bleu azur presque irréel. Ses cheveux blond foncé, quant à eux, sont toujours impeccablement coiffés, avec cette raie sur le côté et cette mèche qui lui retombe sur le front. Il est si beau que j'en oublierais presque qu'il s'apprête à me tuer.
– Tu ne dis rien ?
Je ne réponds pas, priant intérieurement pour que tout cela se termine vite. Je déglutis. Il porte une veste en cuir et des vêtements très sombres. Je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est la tenue dans laquelle il a assassiné toutes ces jeunes femmes. Le costume trois-pièces, lui, est probablement réservé à des activités plus mondaines.
– Plutôt étrange, que tu aies retrouvé la mémoire. Étrange et regrettable. Tu dois bien te douter que je n'aime pas vraiment laisser des témoins derrière moi... D'autant que j'ai fait preuve de bonté en effaçant tes souvenirs, souffle-t-il à mon oreille.
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Le Pacte d'Emma
VampireElle est mourante, lui seul peut la sauver, mais à quel prix ? Je pensais qu'en me lançant dans ce pacte je risquais seulement ma vie, mais c'est ma raison qui est en train de s'envoler.Je l'ai embrassé, mais ce n'est pas ce qui est le plus déraiso...