- Chapitre 17 -

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La semaine se déroule sans accroc. Comme à son habitude, Andrew passe chaque jour dans mon bureau vers 11 h 30. À ceci près qu'il m'adresse la parole, à présent. Pas de grandes discussions, mais nous échangeons et, pour moi, cela fait toute la différence. Les tâches qu'il me confie prouvent qu'il me fait davantage confiance, et j'en suis plutôt fière. Jeudi, il a passé une vingtaine de minutes à m'apprendre comment gérer les requêtes de financement pour des start-up en développement. Je le suspecte de m'avoir entendue passer quelques appels depuis le couloir.

– Bonjour, je vous téléphone au sujet de votre requête auprès d'Anderson Corporation. Pensez-vous qu'il vous serait possible de venir la semaine prochaine pour en discuter ? Monsieur Anderson trouve votre projet intéressant et...

Andrew se frotte l'arête du nez, probablement exaspéré. Je m'en veux de le décevoir, mais je ne vois pas bien ce qui cloche.

– Tu vas te faire bouffer, Emma. Toi et ta gentillesse... N'oublie pas que tu es en position de force : ce sont eux qui ont besoin de nous, pas le contraire.

– Oui, mais...

– Ne me sors pas l'excuse de la politesse.

Prise de court, je reste silencieuse, car c'est bien évidemment ce que je comptais plaider comme défense. Il prend le combiné.

– Bonjour, ici Anderson Corporation. Votre requête a bien été traitée par nos bureaux. Monsieur Anderson pourra vous recevoir lundi prochain à 17 heures. 

Sa voix est ferme, déterminée. Sans bien savoir pourquoi, j'ai envie de sourire. Je m'en abstiens.

– Et s'ils ne sont pas disponibles durant ce créneau ? demandé-je au moment où il raccroche.

– C'est leur problème, pas le nôtre. Tu te souviens de notre entretien ?

J'acquiesce, en déglutissant.

– Je te le répète : nous vivons dans un monde de requins. Pas de place pour les courbettes. Tâche de t'en souvenir.

*


Nous sommes vendredi, Andrew ne passera pas aujourd'hui – il a un rendez-vous à l'extérieur. Je boucle l'analyse du mois précédent quand trois petits coups résonnent à la porte.

– Entrez ! crié-je en annotant une clause du contrat que j'ai sous les yeux.

Le visage de Vanessa apparaît dans l'entrebâillement. Elle a attaché ses cheveux, son teint est parfait, elle porte un rouge à lèvres sombre parfaitement accordé à sa tenue.

– On y va ? 

– Je ferme ma session et je suis à toi.

Nous choisissons de déjeuner dans un restaurant bio, à deux blocs du building. La déco fait très atelier : briques blanches, grosses plantes en pot. Le mobilier évoque celui d'une grange, on s'attend presque à trouver des bottes de paille derrière le comptoir. Un jeune homme d'à peu près mon âge vient prendre notre commande. Vanessa flirte gentiment avec lui et, quand il repart, je ne peux m'empêcher de lui faire remarquer que le rose lui est monté aux joues.

– Plutôt mignon, non ? répond-elle sur un ton complice.

– Comment tu fais ? Je veux dire, pour être aussi sûre de toi ?

– On n'a qu'une vie, tu sais. Il vaut mieux être acteur que spectateur, ajoute-t-elle en vérifiant son maquillage.

– N'empêche, je ne crois pas que j'oserais, dis-je en réarrangeant mon manteau sur le dossier de ma chaise.

Le Pacte d'EmmaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant