Chapitre 20 ♠️ L

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Un photographe japonais a dit un jour : "La photographie est à propos d'un seul point issu d'un moment. C'est comme stopper le temps. Comme si tout était concentré dans cet instant éphémère. Mais si tu continues à créer ces points, ils vont former une ligne qui reflétera ta vie."

Je ne suis pas ce qu'on pourrait appeler une amatrice de photographie, néanmoins j'avais longuement réfléchi à cette citation depuis que je l'avais lu il y a quelques années de cela maintenant.

Elle m'avait fait réfléchir parce que j'avais alors pensé : "De quoi sera composé ma ligne à la fin de ma vie ? Quels seraient les points qui la résumerait ? Lesquels parmi un milliard de moments et de souvenirs ?"
Depuis j'y repensais souvent et je faisais dans ma tête ma ligne invisible avec des points dont je prenais l'initiative de choisir.

J'y voyais pour l'instant quelques moments de mon enfance, des repas de famille, des journées de pluie passées dans le canapé entre nous, des jours de fêtes, des choses qui me rappelaient ma famille et l'amour que je leur porte puis vient plus tard les choses que je chérie un peu plus maintenant, les moments passés durant les années inoubliables qu'est le lycée; mes pires bêtises, mes plus grandes joies, ma rencontre avec le père de Gabriel et ainsi j'avais compris qu'elle n'avait été que l'élément déclencheur de quelques autres points que je chérissais encore plus.

La naissance de Gabriel, l'obtention de mes diplômes malgré tout, le soutiens de mes meilleures-amies et de ma famille, mon embauche au lycée...
Voilà ce qu'était ma ligne jusqu'ici.
Allongée dans un lit qui n'était pas le miens, dans une chambre qui m'était totalement inconnue, je me demandais si je devais ajouter ce moment à ma ligne de vie, si ma soirée passée avec Camila était un nouvel élément déclencheur à quelque chose de grand et de bien.

_Ah tu es réveillée ! Surgit une voix enjouée.

C'était Camila. Je m'étais réveillée avec l'esprit embrouillé et la bouche pâteuse, seule aussi... Toutefois je m'étais rapidement remémorer les événements de la veille et de cette nuit et je m'étais aussi vite rendue compte que la cubaine n'était pas partie très loin, juste dans sa salle de bain face à sa chambre.

Je me redressa sur le lit pour me mettre en position assise tout en tirant les draps vers mon corps un peu trop nu à mon goût.

_Il semblerait que oui, tentais-je d'une petite voix.

J'étais plutôt intimidée par la jeune femme. J'avais passé sans aucun doute la meilleure nuit de ma vie, mais aussi parce qu'elle, elle semblait pimpante comme n'importe quelle matinée. Et je ne savais pas comment je devais agir, je ne savais pas de quoi il en était maintenant, ce qui allait se passer, je ne savais pas ce qu'elle pensait à cet instant, ce qu'elle avait pensé cette nuit et ça me donnait un bon mal de tête.

_Ce n'est pas moi, j'espère ? Tu sais, avec la douche.

_Non, non pas du tout ! Je m'empressa. Je suis habitué à me lever assez tôt avec Gabriel peu importe à quelle heure je peux me coucher.

C'était plutôt gênant ce silence qui tomba à nouveau entre nous, nos regards furtifs, mais qu'est-ce que je devais dire ? Il devrait y avoir un manuel pour cela, "Comment doit se passer le lendemain d'un coup d'un soir avec une collègue pour qui on peut, peut-être ou peut-être pas, éprouver une petite attirance ?".
Mais était-ce vraiment un coup d'un soir? après tout cette nuit elle ne l'avait pas particulièrement confirmé tout comme elle ne l'avait pas nié. Je ne comprenais pas tellement ce qu'elle voulait de moi, peu importe à quel point je pouvais essayer de le faire ou à quel point ce questionnement me tourmentait.

Est-ce que j'étais différente de Camila ? Est-ce que je savais ce que je voulais ?
Sûrement.

Est-ce que j'étais prête à y faire face ?
Pas tellement.

Juste une collègueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant