Chapitre 19 ♠️ C

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Je ne pouvais pas vraiment qualifier mon sommeil de lourd, ça faisait maintenant de nombreuses années que je m'étais habituée aux longues nuits d'insomnies, les yeux grands ouverts dans le noir, mais fatigués, les pensées qui se bousculaient, qui ne voulaient pas se taire, qui me tourmentait jusqu'aux petits matins. Et lorsque j'y parvenais, lorsque j'avais la chance de pouvoir me reposer, ma nuit ne se passait pas vraiment bien. La moindre chose pouvait me réveiller ; un chat qui miaule dans la rue, une voiture qui passe, les rayons du soleil... n'importe quoi qui allait à l'encontre d'une pièce plongée dans le silence et le noir.

Je détestais toutes ces choses qui pouvaient m'extirper de mon sommeil alors que j'avais tant de mal à le trouver.

Pourtant cette nuit-là les choses étaient bien différentes.

Un facteur qui m'était encore inconnu m'avait réveillée. Confuse, je papillonna des yeux en tentant d'aligner mes pensées.

_Merde ! fit une voix dans la pénombre.

Je me redressa sur mon lit en frottant mes yeux. Les souvenirs de la veille faisaient peu à peu surface et je me mis à sourire telle une idiote parce que ça faisait longtemps que je n'avais pas passé une aussi bonne soirée, que je n'avais pas eu une raison de me faire sourire comme une personne totalement heureuse le ferait.

Lauren..., pensais-je.

Et même dans ma tête son prénom me semblait doux, comme une pétale de rose qui tomberait au grès du vent sur un sol tapis d'une herbe fraîche sous un soleil éclatant, comme une rose au milieu d'un terrain miné, comme de la glace sur le bout de ma langue.

Oui, j'étais plutôt accro.

Je n'étais pas énervée d'être coupé dans ma nuit réparatrice, j'étais plutôt confuse, c'était une première. Lauren me faisait vivre beaucoup de premières fois.

J'alluma la petite guirlande qui se trouvait accrochée au-dessus de mon lit, les choses seraient sûrement plus claires avec un peu de lumière.

En réalité ce n'était pas vraiment le cas, j'étais un peu plus confuse en voyant Lauren, debout face à mon lit, des yeux grands ouverts comme un lapin seul au milieu d'une route et son pantalon à mi-genoux qu'elle semblait avoir du mal à enfiler.

_Lauren, qu'est-ce que tu fais ? Demandais-je d'une voix enrouée.

_Je, euh... Rendors-toi.

Je fronçais les sourcils, la situation était totalement incompréhensible et hors de ma portée, je n'étais pas vraiment habituée à cela. J'étais habituée à moi-même, enfin j'avais plutôt intérêt en 24 ans d'existence, n'est-ce pas ? Ce serait plutôt étrange si ça n'avait pas été le cas. Néanmoins parfois il m'arrivait de faire des choses incompréhensibles, des choses qui n'avaient aucun rapport, aucune explication, comme partir dans un autre pays du jour au lendemain sans même un regard en arrière pour sa propre vie, des choses incompréhensibles pour les autres. Et pour moi-même aussi parfois, je me rappelle avoir passé tout mon vol à me demander ce qu'il m'était passé par la tête puis après de longues réflexions, après une nuit à ne pas fermer les yeux encore une fois, je compris que je le savais, la réponse était enfouie au fond de moi derrière cet acte et elle était une évidence. On se connaît toujours un minimum, au fond de nous on sait pourquoi on fait toutes ces choses folles et incompréhensibles aux yeux des autres, mais je n'étais pas habituée à devoir faire face aux complications d'une autre personne.

Je souffla doucement, mon horloge m'indiquait que nous étions bel et bien en plein milieu de la nuit. Mon regard tomba ensuite sur Lauren, je pris quelques secondes pour voir une nouvelle fois son corps; ses longs cheveux bruns ébouriffés, sa peau blanche qui m'appelait silencieusement, son corps parfaitement imparfait... Elle n'était pas comme ces jolies filles à la plage ou sur les réseaux sociaux, avec l'estomac plat, la poitrine et le fessier parfait, les longues jambes, non. Lauren avait un début de pomme d'amour, une petite poitrine galbée, quelques vergetures sûrement dûes à la grossesse et c'était pour tout cela que je la trouvais particulièrement belle, parce qu'elle était parfaitement imparfaite.

Juste une collègueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant