Jeu de soirée [édité]

1 - Je n'ai jamais été frappé.

Maé

J'éclate de rire quand Dylan grogne en enfilant le fond de son verre.

- Je savais que tu avais déjà laissé ton numéro à une caissière !, s'amuse Ash avec un grand sourire.

- Ferme la bordel...

Je m'appuie sur la table en regardant le peu de vodka dans mon gobelet. J'en suis à la fin de mon premier verre. Je n'ai pas toujours été sage alors évidemment, les gorgées s'écoulent. J'attrape une part de pizza et Béa se redresse. C'est à son tour de proposer une phrase.

- Je n'ai jamais... Vidé les poubelles sur le palier de mon voisin !

Khaleb grogne à l'injustice et avale une gorgée, ce qui nous fait rire. Il est l'un des pires entre eux niveau crasse. Ce gars est une perle dans le domaine.

- Je vous explique l'histoire, marmonne-t-il en attrapant un bout de saucisson. J'avais douze ans je crois, une connerie comme ça. Je venais de redoubler mon année car j'en avais pas foutu une et mon voisin dans l'immeuble où on vivait, était le père d'un de mes potes. Et si vous voulez, mon pote était grave intelligent donc son père refusait qu'on traîne ensemble. Alors quand il me croisait, il me traitait de sale arabe, de pauvre analphabète et d'autres trucs dégueulasse. Jusqu'au jour où ça m'a cassé les couilles et j'ai balancé les déchets de nourritures juste devant sa porte et ça a éclaboussé sur celle-ci. Il avait voulu porter plainte !, il ajoute alors qu'Ash et Emy rigolent comme des baleines. C'était mon père qui lui avait dit que si il faisait ça, il irait balancé à la police qu'il voyait souvent des minettes de dix-huit piges devant sa porte. Ce type était un beau salaud.

- Ah ouais, une sacrée merde ton voisin, grince Ryan en tournant son verre entre ses doigts.

- Il y a des connards comme ça partout, répond Dylan en haussant les épaules.

- Ça n'excuse pas ce qu'ils font !, s'égosille brusquement Yan en levant son index. On devrait remettre la peine de mort pour ces enfoirés.

- Tu trouves pas que t'en fais trop ?, je réplique alors en haussant un sourcil. Ce sont des êtres humains comme toi et moi, on a pas à choisir qui doit mourir et qui doit vivre.

- Donc tu leur laisses le droit de rester sur Terre après les atrocités qu'ils ont fait ?, souffle Ryan, intéressé par la tournure que prend la conversation.

- Non ! Jamais de la vie, ils méritent de souffrir pour ce qu'ils ont fait et justement, finir le reste de sa vie en zonzon, ça doit être ignoble.

- Pas certain, lance Béatrice en attrapant une chips. Ils ont un problème mental, tu crois vraiment que ça va les déranger d'être enfermé ? Ça ne va pas les changer, ils ne se rendront pas compte que ce qu'ils ont fait est horrible car ils l'ont voulu.

- Ils sont obligés de le réaliser quand-même ! Tu ne couches pas avec des mineurs sans t'en rendre compte !

- Pourtant, c'est exactement ce qu'il se passait et mon voisin n'arrivait pas à comprendre qu'il jouait  un jeu dangereux, coupe Khaleb alors que Ryan était pour prendre la parole. Mais maintenant, il est fliqué donc on s'en tape. On continue la partie ou on tape discussion sur cet enfoiré ?

- On continue, acquiesce Yan et il fait le tour de la table. À toi Emy.

Elle hoche la tête et le jeu repart. Khaleb se marre avec Yan quand les phrases défilent et les propositions sont de plus en plus débiles. Ash n'arrête pas de taquiner Ryan qui ne se déride pas. C'est à peine si il a ouvert la bouche depuis le début de la partie. Discret, on le remarque une fois sur quatre dans cette maison. Je ne comprends même pas pourquoi il fait partie de notre colocation. Je passe mon doigt sur ma tempe, là où la fameuse cicatrice qu'il a dessiné est. Ce jour-là, je l'ai haï avec une telle force que j'en étais moi-même surprise. Il n'avait pas le droit. Certainement pas. Je ne l'appréciais déjà pas beaucoup pour sa manière de se comporter avec nous mais il avait dépassé les limites avec ce dessin. Pourtant, il avait l'air si fier en me le présentant...