Dans l'ombre de mon enfance

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« Je ne rentrerai pas à la maison ce soir, ne m'attendez pas. Je vous expliquerai. Promis. -M. »
Je déposais le morceau de papier sur la table de la cuisine avant de rejoindre Shade dans sa voiture. La dernière fois que j'avais écrit ce genre de mot, c'était il y a 5 ans, et je n'étais pas revenue. Serait-ce la même chose?
J'avais refoulé pendant si longtemps les souvenirs de ce passé, les empêchant de refaire surface. Ils étaient désormais incontrôlables. Je me retrouvai à vivre dans l'hombre de mon enfance. J'étais plus sûre de moi 5 ans auparavant alors que j'allais seule vers l'inconnu sans avenir certain.

Je n'avais pas envie de ce "retour aux sources" forcé, où Shade serait reine et moi je serai la lâche, traîtresse qui décide d'abandonner sa famille et tout ce qu'elle possédait jusque là pour aller vivre à l'autre bout du pays. En croisant furtivement son regard, je compris qu'elle n'avait pas cette vie de fille populaire. On vivait dans un quartier modeste de Détroit. Elle me fit fait un tour du centre-ville, rien n'avait changé. C'était comme si la ville avait été bloquée dans le temps.
Rien n'avait changé.  Je retrouvai les mêmes bâtiments délabrés. Et dire qu'avant mon départ la ville me semblait peu accueillante mais c'était chez moi, aujourd'hui, après avoir connu la Silicon Valley et avoir voyagé, entrer à Détroit était passer les portes de l'Enfer. L'Enfer sur terre, des milliers de personnes le cherchent, allez à Détroit, une des rares villes du monde a avoir déclaré être en faillite en 2013.
Je craignai encore plus la rencontre avec ma famille, famille qui m'était désormais inconnue. Je réfléchissait à plusieurs mécanismes afin d'éviter tout moment de gêne entre eux et moi.  J'étais désormais l'outsider, j'avais passé plusieurs années à effacer tous liens, tout rapprochement que l'on pourrait faire entre eux et moi. Pourtant, je me surpris à espérer vainement qu'il m'accepterai à nouveaux parmi  eux.
Antonin avait raison quand il disait que j'avais besoin d'être aimé par tout le monde. Je me rendais compte que je voulais tellement qu'il m'aiment, m'apprécient que je préparai déjà tout un tas d'excuse afin de répondre à leurs diverses interrogations, accusations.

Ça y est, on était arrivées. Arrivées devant la maison dans laquelle j'avais eût mes premiers chagrins, mes premières joies, où j'avais fait mes premiers pas. La maison de mon enfance, celle que j'avais fuit en quête de liberté. Jamais je n'aurai cru y retourner. Elle non plus n'avait pas changé.
Je m'étais préparée à toutes sortes de situations, mais pas à celle-là. Si j'avais su ce qui m'attendait à Détroit, je serai sûrement rentrée plutôt, ou pas rentrée du tout.