4. Phone call

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J'avais l'intention de consacrer mon week-end à mes devoirs. Samedi soir vient de tomber, et j'ai décidé d'arrêter de travailler plus tôt, aujourd'hui. De toute façon, la douleur de mes côtes dérangeait ma concentration. Vers dix-sept heures trente, je sors de ma chambre, descends silencieusement l'escalier et enfile mes chaussures avant de glisser dehors comme une ombre.

Les températures sont encore un peu fraîches, mais on touche à la fin du mois d'avril. Je me promène dans le quartier, repère un peu plus les lieux et je trouve un petit parc non loin de la maison au bout d'une dizaine de minutes. J'y attends l'appel de Tatsumi.

Je déambule dans le square, à la recherche d'un endroit ou me poser. J'ai beau marcher doucement et éviter les gros efforts, mes blessures ne sont pas agréables. Au bout d'une dizaine de minutes suivant les précédentes, je finis par découvrir un petit banc ensoleillé par les derniers rayons de la journée et plus au moins dissimulé derrière un arbre.

Avec un soupire, je m'installe sur le banc et souffle un peu ; j'étire mes jambes un peu ankylosées en ignorant le pique de douleur instantanée. Mes côtes sont douloureuses, et ma joue me tire. Le parc est désert et un coup d'œil à mon téléphone m'informe que l'heure de l'appel approche rapidement. D'ennui, je finis par allumer mon cellulaire et jouer à un jeu quelconque en attendant.

Un frisson me parcourt et ma nuque, découverte par mes cheveux attachés, est caressée par une petite brise. Mon sweat à capuche gris ne me protège pas beaucoup de la fraîcheur du soir. Je soupire et change de position. Je remonte avec difficulté une jambe contre ma poitrine et pose mon pied sur le bois du banc. Un autre soupire fend mes lèvres et un nouveau frisson me traverse quand je repense à hier.

Mon « père » ne m'a pas parlé depuis l'événement de la veille, sauf pour des phrases du style "viens manger".

Il est différent du souvenir que j'ai de lui. Enfant, je me rappelle qu'il n'était pas souvent là, à cause de son travail, mais il trouvait toujours un moment pour passer un peu de temps avec moi et Tatsumi. Il me disait que les erreurs ne sont pas graves, et qu'au contraire elles permettent de progresser. Peut-être que si j'avais réussi l'examen de niveau en entrant au collège Kunugigaoka ça ne se serait pas passé comme cela...

Perdue dans mes pensées, la sonnerie de mon téléphone me fait sursauter. Une chanson d'un artiste que j'apprécie résonne dans le parc désert. Je sors mon portable de ma poche un peu précipitamment et manque de le faire tomber en voyant le nom de mon frère affiché sur l'écran. Je décroche rapidement.

- Allô ?

Je souris en entendant la voix de mon frère.

- Tatsumi !

- Comment vas-tu Kurome ?

Hésitante, je ne réponds pas tout de suite à sa question. Je me demande si je dois lui dire pour notre père. Je ne veux pas l'inquiéter davantage. Il a tellement fait pour moi...

C'est Tatsumi qui s'est occupé de moi après l'incident. Il m'a logé dans son minuscule appartement étudiant, le temps que les démarches se fassent. Il a même essayé d'obtenir ma garde. Mais ça n'a pas été possible. Les services sociaux ont longuement hésité avant de me confier à mon père.

Ils se sont demandés si partir au Japon était une bonne idée, si je ne serais pas mieux chez mes grands-parents ou dans une famille d'accueil. Et au final, ils ont conclu que renouer avec mon père après ce qui s'est passé serait bénéfique pour moi.

Et pendant qu'ils décidaient de tout ça, mon frère est resté avec moi, alors que j'étais devenue une pâle copie de moi-même. Je refusais de dormir, de me laver ou même de m'alimenter quand il m'a récupéré à la sortie de l'hôpital. C'est Tatsumi qui m'a aidé à surmonter ça.

L'homicide qui a détruit ma VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant