II

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    Il est 16h. Je vais directement dans ma chambre pour dormir. Une petite sieste ne me fera pas de mal. Je mets un réveil pour 17h30. Je les ferais répéter une dernière fois. Ce soir, je reste dans les coulisses. Je ne danserais pas. Je ne serais pas monté sur scène depuis le début de cette tournée.

    Je n'ai pas envie de danser quelque chose que je trouve trop facile et où je m'ennuierais mais je n'ai pas non plus envie de monter seul sur scène.

    Je mets une musique qui me calme et m'endors très rapidement sans même avoir pris le temps de me déshabiller et de me mettre dans le lit.

    Mon alarme me somme de me lever. Je cherche la salle de danse. C'est fou à quelle fréquence j'arrive à me perdre. Je pense que c'est une fois par jour au moins. C'est le patron de l'hôtel qui finit par m'indiquer le chemin. C'est à dix minutes à pied. Je n'ai vraiment pas envie de marcher ce soir. Mais si je ne le fais pas, je vais me faire engueuler par le manager. Je mets mon casque et mes mains dans mes poches puis je commence la route. Cette ville est jolie. Les maisons sont colorées.

    Lorsque j'arrive à la salle, je me mets directement en tenue. Je regarde les autres s'entraîner. Ils dansent parfaitement. Je passe dans la salle d'à côté. Il n'y a personne. Je me remets à ma chorégraphie. Je lance la musique encore et encore. Je danse. Je modifie quelques détails à chaque fois. Je n'ai pas du tout fini. Je veux que ce soit parfait. Je veux y mettre toute mon âme. Ce sera sûrement la dernière chorégraphie que je danserais.

    -Il faut qu'on y aille. On ne peut pas risquer une minute de retard.

    Je m'arrête brusquement. Je regarde l'heure. 18h45. Il a raison. Je ramasse mes affaires. Les autres sont déjà partis. Il veut sûrement me parler. Il est le plus doué du groupe et aussi mon meilleur ami. Nous ne parlons pas beaucoup de choses sérieuses. Mais il sait toujours quand ça va pas.

    Nous marchons en silence. Je sais ce qu'il veut savoir. Il veut savoir si j'ai de ses nouvelles. Après tout, ça fait bientôt deux ans qu'elle est partie. Il veut sûrement savoir ce que j'en pense et si je m'en suis remis. S'il pose la question, je ne pourrais pas répondre. Je le connais bien. Un regard suffira pour qu'il comprenne. De toute façon, je ne pourrais pas lui donner de meilleure réponse. De temps en temps les mots ne suffisent pas. C'est ce qui se passe quand je pense à elle. Les mots ne viennent pas. Ils ne sont pas faits pour exprimer de telles souffrances.

    -Tu te sens comment par rapport à elle ? Tu as l'air d'aller mieux. Tu te remets à danser.

    Ah oui c'est vrai. La chorégraphie. J'avais oublié qu'il m'avait vu. Je m'en fous. Il ne fera pas plus de commentaire. Je le sais.

    -Ce sera la dernière chorégraphie que je ferais pour moi. Je vous prépare vos dernières chorégraphies que j'ai commencé et je quitterais tout. Je me remettrais entièrement à mes études. La danse ne m'aide pas à oublier. Vous êtes assez doués pour continuer seuls.

    -OK.

    C'est ce que j'aime bien avec ce gars. Il ne cherche pas à me faire changer d'avis même si ce que je lui ai dit ne lui a pas plu du tout. Il a compris que je ne changerais pas d'avis. Nous discutons normalement. Nous parlons du manager. Nous nous moquons un peu de lui. Je me demande comment il va prendre le fait que je sorte du groupe.

Nous arrivons devant l'hôtel. La voiture nous attend déjà. C'est partie pour une longue soirée. Ils vont devoir enchaîner les tenues. Des codes couleurs. Pour que la musique commence même avant les premières notes. Je vais faire l'intendant et donc m'ennuyer. Nous arrivons. Les gens sont déjà arrivés en centaines. Elle n'est pas là, elle ne peut pas être là.

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    Après avoir aidé ma mère à se coucher dans son lit cette fois, je m'installe avec un thé devant la télévision. Je regarde une série policière quelconque avant le spectacle. Je remonte mon plaide dans mon cou. Il est 22h55. C'est bientôt l'heure. Je change de chaîne.

    Ça commence. Il monte sur scène comme à chaque début de spectacle. Il fait son discours habituel avec quelques blagues de bon goût. Je ne pense pas que ce soit lui qui ait écrit ce discours.  Je n'aime pas son sourire. Celui-ci est un faut. Il souffre. Il fait quelques blagues qui cette fois sont les siennes. Son humour me fera toujours mourir de rire. Les lumières s'éteignent.  La musique démarre, les projecteurs s'allument et la chorégraphie commence. C'est une de mes préférées. Ils sont en parfaite synchronisation autant les uns avec les autres mais aussi avec la musique comme si elle était un membre à part entière du groupe. J'aime beaucoup les regarder danser.

    Les chorégraphies s'enchaînent. Les tenues aussi. En coulisses, ils ne doivent pas beaucoup se reposer. Le spectacle est déjà bien avancé. Il ne danse pas. Il ne va pas monter sur scène. Je le sens. Au début, à l'époque des simples vidéos sur internet, il dansait tout le temps. Il avait l'air épanoui. Je ne pense pas que la célébrité l'aie détruit. C'est autre chose. Mon cœur se serre quand je pense ça.

    Le spectacle se finit. Il n'a pas dansé. J'en étais sûre. J'éteins la télévision et me dirige vers le jardin. Je prends soin de récupérer un briquet et la cigarette soigneusement roulée plus tôt dans la soirée. Depuis combien de temps ne suis-je pas sortie faire la fête ? Bientôt deux ans si je ne me trompe pas. Depuis l'accident de ma mère en fait. Je n'ai jamais dit à ma mère que je sortais tous le temps avant. Elles'en serait voulu. Déjà qu'elle s'en veut d'avoir perdu la mémoire mais alors si je lui avais dis tous les sacrifices que j'ai faits pour elle, jamais elle ne se le pardonnerait. Je ne peux pas lui dire. Elle souffre assez.

    Les étoiles brillent. J'adore voir les étoiles. C'est magnifique. Étrangement, je trouve une grande satisfaction à regarder le ciel. Cette sombre clarté qui illumine tous les malheurs du monde est juste comme irréelle. Le ciel en lui-même a l'air heureux avec ses étoiles. Je ne le suis pas. Je souffle ma fumée. C'est une mauvaise habitude mais je n'arrive pas à m'en détacher. Peut-être que les souvenirs que cette habitude a créée me font chaud au cœur. J'aime beaucoup repenser aux moments que je passais avec lui, une cigarette à la main après avoir fait le mur et s'être retrouvé dans un parc. Ces souvenirs sont heureux et tristes. Ils font mal.

    Je vais me coucher. Je me lève à 8h demain matin pour aller faire les courses avant qu'il n'y ait trop de monde.

J'écoute de la musique pour m'endormir. Cette playlist me rend triste. Je finis par m'endormir.

Respire et danse !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant