XI

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Mon père a l'air content que je vienne chez lui ce week-end. J'en suis contente. Je parle bien avec lui. Cela faisait tellement longtemps que nous n'avions pas partagé un moment comme ça.

Il s'arrête. Nous ne sommes pas à la maison. Pourquoi ? Je regarde autour. La salle de danse.

-S'il te plaît. Je veux te revoir danser. Ta mère t'attend dans une salle qu'elle a réservé auprès de tes amis. Elle a ta tenue de sport avec elle. Tune peux pas abandonner ta passion. Tu n'as pas le droit d'être malheureuse. Si tu ne veux pas reprendre la danse, au moins montre ton talent à ta mère. Je t'en prie.

Je détourne le regard. Quelle conne j'ai été de vouloir abandonner. Après tout, j'ai toujours continué de m'entraîner pour le jour où je pourrais reprendre. Et j'ai voulu abandonner. Ne suis-je pas pathétique.

Je sors de la voiture et m'avance vers ce bâtiment que je connais par cœur. Un vieux bâtiment en brique. Le toit en vieille tuile a partagé nombre de mes soirées. Nous étions lui et moi avec une cigarette. En hiver nous avions une couverture. Nous pouvions parler des heures comme ça.Des larmes coulent sur mes joues. Je pleure beaucoup ces derniers jours. C'est chiant.

Je laisse mon père rejoindre en premier ma mère. Je profite du bâtiment. J'ai traversé ces couloirs un nombre incalculable de fois. Des fois seule, des fois accompagnée, des fois sur les épaules d'un certain garçon. La chaleur de ce bâtiment, les lattes du parquet qui craquent, l'odeur bien particulière.

Je me sens bien ici. Je me sens chez moi. Mon cœur bat lentement. Cela fait bien longtemps que je n'avais pas ressenti ce sentiment de plénitude. Maintenant, il ne manque que lui. S'il était là, tout serait parfait.

J'entends des rires au bout du couloir. Ils doivent être en train de s'entraîner. J'entends sa voix. Je dois rêver. Il ne danse plus. Encore une fois, c'est sa voix que j'entends. Je m'éloigne. J'ai rêvé, c'est certain.

Je rejoins mes parents. C'est bizarre de les voir ensemble. Mon père me sourit. Je récupère la tenue qui est dans le sac et pars me changer.

Je reviens. Je souffle un bon coup. J'allume la musique. Une danse en solo. Une chorégraphie que j'ai imaginée récemment. C'est la première fois que je vais réellement la danser. Je suis anxieuse.

Je me place au centre de la pièce, face au miroir. J'oublie le monde. J'écoute les battements de mon cœur. Mon corps bouge souplement. C'est si naturel. Je suis moi en ce moment même. Cela faisait tellement longtemps. J'avais oublié ce que c'était que de danser.

 C'est comme un second souffle. J'en oublie tout le reste.

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Nous rigolons bien ensemble. Ça me fait du bien de les voir. Nous buvons une bière. C'est agréable ces moments. Je ne suis plus danseur. Et je l'ai retrouvé. Plus ou moins en tout cas. Alors, je pense que cela fait bien longtemps qu'ils ne m'ont pas vu aussi bien, aussi heureux.

Mon meilleur ami me prend pour parler à part. Nous sortons de la salle.

-Tu l'as retrouvé n'est-ce pas.

-Ouais. Ce midi.

-Et ?

-J'ai failli l'embrasser

-Failli ?

-Mon téléphone a sonné pour que j'aille en cours.

-T'es vraiment qu'un con.

-Ce n'aurait pas été une bonne idée. Je n'ai pas le droit de la pardonner si facilement.

Il soupire. Il ne dit plus un mot. Je sais très bien qu'il n'approuve pas la situation. De toute façon je ne vais pas lui laisser le choix. C'est ma vie. Je fais ce que je veux. Il faut que je lui dise ses quatre vérités.

Tiens, il y a de la musique de l'autre côté du couloir.

-Il y a quelqu'un là-bas ?

-Ouais quelqu'un a voulu réserver une salle ce soir. Je ne sais pas qui c'est. Va voir si tu veux.

La porte n'a pas l'air fermée. Je pourrais regarder par l'entrebâillement. Franchement, je ne pense pas que ma curiosité me perde un jour. Je m'approche assez rapidement histoire de ne pas tout louper.

Je suis devant la porte. Je m'approche pour regarder un coup. Mon cœur rate un battement. C'est elle. Que fait elle là ? Pourquoi danse-t-elle ?

Jusqu'où s'est-elle améliorée ? Ses cheveux volent en rythme avec ses mouvements. Cette chorégraphie... je ne la connais pas. Elle est si belle, si parfaite. Je reste là, je regarde cette fille danser. Je dois me faire une raison. Je ne la connais plus. Je ne suis plus personne pour elle. Elle non plus ne me connais plus. Nous sommes des étrangers.

Pourtant, j'ai envie de la rejoindre dans sa danse. Malgré tous mes ressentiments, mon corps entier me dit que je l'aime.

Elle ne fait qu'un avec la musique. Elle est sortie du monde. Je le sais, cela se voit. J'ai tellement passé de temps avec elle que je connais chaque mimique de son visage. En ce moment, elle est hors du temps, hors du monde. C'est comme si cela faisait une éternité qu'elle n'avait pas ressenti ça. La danse a dû lui manquer.

 Même sans le faire exprès, elle me rend faible. La musique s'arrête et avec elle, tous mes espoirs de retrouver ce qui était avant disparaissent. Je m'éloigne de la porte. Je vais monter sur le toit. J'en ai envie. Je vais fumer.

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 Je suis essoufflée. Je me sens tellement bien. Il ne manque qu'une chose à faire au cas où je décide de ne pas revenir. Retourner sur le toit.

Je préviens mes parents que je m'absente un peu. En redescendant, je passerais leur faire un petit coucou. Je monte les marches doucement. Je veux profiter un maximum.

Tiens, la trappe du toit est ouverte. Quelqu'un a dû vouloir aérer. Je me hisse parcelle-ci pour me retrouver sur le toit. La vue sur la ville est vraiment imprenable. Quand je pense qu'il y a une heure j'étais dans un lit d'hôpital. Je suis bien contente d'en être sortie. Je me sens bien mieux. Ici, je suis moi.

Je regarde un peu plus bas. Il y a quelqu'un sur le toit. Il fait trop sombre pour que je ne sache qui c'est. La personne ne m'entend pas. Elle a un casque.

Je me rapproche un peu. Je me stoppe. Tout mon corps est comme paralysé. C'est lui. Je n'avais donc pas rêvé ! Il se tourne doucement. Il lève les yeux vers moi. Il a l'air étonné. Il reste à me fixer. Je ne bouge pas. Je panique. Je me retourne. Je veux redescendre. je veux fuir. 

-Attends !

Je me retourne. Il est debout. Il me regarde. Il a posé son casque sur ses épaules. Il veut peut-être me dire quelque chose. J'attends qu'il parle depuis une bonne minute je dirais.

-Il y a des choses dont j'aimerais te parler.

Mon cœur bat de plus en plus vite. J'ai peur de ce qu'il va suivre. J'ai un mauvais préssentiment

-J'ai arrêté de danser car tu me manquais trop. J'ai abandonné ma passion pour t'oublier. Et maintenant, tu es de retour. Tu hantes mes pensées. Et alors que je pensais n'avoir aucune chance de danser avec toi, je te vois danser. Ce monde se fou franchement de ma gueule. Tu vois, quand j'ai pris la décision de ne plus danser c'est parce que sans toi, personne n'était à ma taille et je devais me retenir. Et quand je t'ai vu... À cause de toi, chacune des décisions que je prends se retournent contre moi. Tu ne pourrais pas me laisser vivre ? Disparaître comme tu sais si bien faire. Franchement ce serait bien.

-Tu... tu le penses vraiment ?

-Oui.

-Tu me détestes ?

-Oui.

-D'accord. Si c'est ce que tu veux, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour que  l'on ne se revoit pas. Au revoir. 

Respire et danse !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant