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C'est chiant. Ils ne sont pas assez doués. Leurs gestes ne sont pas coordonnés. Je dois les entraîner. Ils peuvent être bons je le sais. Je ne pense pas les accompagner jusqu'au bout. Ils dansent sur cette musique. Je ne l'aime pas mais je fais avec. Comment la mettre en valeur si je ne la supporte pas ? Le public ne remarquera pas les imperfections. Je n'ai plus aucun intérêt à rester ici. Elle en était la raison. Mais elle n'est plus là alors je ne danse plus. Elle était la seule avec qui je ne me retenais pas. Je m'amusais en dansant.

Je ne m'amuserai plus à présent. Je regarde une nouvelle fois leur chorégraphie. Ils sont prêts pour la représentation de demain. Nous serons au Brésil cette fois. C'est loin.

Je ne regrette pas cette aventure. Nous voyageons. Et j'aime le fait qu'un simple groupe d'amis ait pu redonner le goût de la danse au monde. J'avouerais tout de même que l'époque où nous postions simplement nos chorégraphies sur la toile était plus agréable. Non seulement elle était là, mais on faisait ce qu'on voulait. Nous n'avions aucune règle. D'ailleurs, ceux qui nous suivaient sur l'internet disent que l'ancienne époque était la meilleure. Je le pense aussi. Mais nous ne pouvons faire demi-tour.

La vue que j'ai depuis ma chambre d'hôtel est vraiment magnifique. Je veux fumer. Je cherche mon sac des yeux. Il est dans la chambre et je suis sur le balcon. J'ai la flemme d'y aller. Je me retourne pour regarder l'océan. Il est immense. Il est vide et seul. Si je le vois ainsi, c'est sûrement moi qui le suis. Ma famille est loin. C'est la troisième fois qu'on part en tournée mais jamais je ne m'habituerais à ce manque. Je veux les voir. Je veux leur raconter. Dans deux semaines nous allons rentrer. J'ai hâte.

Je dois me changer les idées. Il fait déjà nuit. Le repas est passé. Je ne mangerais pas. Je retourne à l'intérieur. J'ai mes clopes à portée demain. Je les ignore. Je n'en ai pas encore besoin.

Je me perds dans l'hôtel. Je n'avais pas fait attention à sa taille en arrivant. Je me retrouve devant la salle de danse de l'hôtel. Je regarde un peu autour de moi. Cela faisait longtemps que je n'étais pas venu seul dans une salle de danse. Il est 22h. Je vais être tranquille. Ils dorment. Ils ont passé une grosse journée. Je mets mon casque sur mes oreilles. Je parcours les titres de mon répertoire. Je vais me faire ma chorégraphie personnelle. Mon niveau. Mes exigences. Ma chorégraphie.

Je branche mon téléphone au lecteur. Je mets le mode aléatoire. Les premières notes sortent. Une musique que j'adore. Je voulais danser dessus avec elle. Mais elle ne reviendra pas. Si je ne peux pas danser avec elle, je danserai seul. Cela fait longtemps que je n'ai pas dansé dans une chorégraphie. Je vais faire plaisir à pas mal de gens.

Je mets la musique en route. Je ne bouge pas. J'écoute. Quel rythme et quel instrument vais-je suivre à quel moment. Quel mouvement pourrais-je faire. Danse rapide ou lente. Je suis plutôt du genre danse rapide. Il faut que je choisisse quelle note je dois mettre en avant. Il faut que je choisisse ce que les spectateurs vont entendre de la musique.Manipuler leur ouïe grâce à leur vue. Suivre un rythme avec les jambes et un autre avec les bras peut perdre le spectateur si c'est mal fait mais lorsque c'est bien fait, le spectateur peut se retrouver à écouter la musique et regarder la danse en même de façon à comprendre ce que disent les notes. C'est mon but. Je veux que les gens regardent la musique.

Je commence à danser. J'improvise. Je la décore et je la corrige après. Chaque note raconte une histoire. Il faut la raconter avec les gestes. C'est ce qu'elle disait. Je pense qu'elle avait raison. Elle voyait le monde autrement. Elle me faisait voir le monde autrement. Mais elle est partie sans rien dire. Elle a simplement répondu au téléphone avant de disparaître. Que fait-elle ? Est-ce qu'elle regrette d'être partie ? C'est incompréhensible et douloureux.

Respire et danse !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant