Chapitre 2

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          Je me réveillai en sursaut, pestant contre ces éternels souvenirs qui revenaient me hanter depuis quelques jours. Le réveil mécanique m'indiquait qu'il restait une heure à peine avant la cérémonie, ce qui m'accordait seulement quelques minutes pour dissiper les dernières images de mes rêves. Peut-être mes tourments venaient-ils d'un quelconque stress lié à cette étape de ma vie, cette épreuve qui serait bientôt derrière moi...

          Me préparant en silence, je m'habillai rapidement d'une tenue sombre surmontée d'une armure de cuir, parant ma ceinture de deux longs poignards. Je commençais immédiatement à échauffer mes muscles, ne pouvant me permettre de rester oisive sous peine de laisser libre court à la tension qui m'habitait. Trouvant quelque réconfort dans ces exercices familiers, j'étirai calmement mes jambes, puis mes bras.

          Dix ans que j'avais rejoint les Nocturnes. Dix ans depuis cette nuit où j'avais vu mon monde s'écrouler pour se reconstruire tout entier autour de cet homme aux prunelles flamboyantes. Dix ans que cette sensation de sécurité m'habitait chaque fois que son souvenir se rappelait à moi.

          J'expirai doucement. Je ne devais pas laisser mes émotions se raviver. Je risquais de mourir aujourd'hui, je ne pouvais pas me permettre de me prélasser dans mon passé.

          Un deuxième regard au réveil m'apprit qu'il était temps pour moi de me mettre en route, bien que le chemin de ma chambre à l'arène ne soit pas des plus longs.

           Je remontai le mécanisme de l'horloge miniature pour qu'elle fonctionne encore à mon retour avant de sortir, fermant sans à-coup la porte derrière moi. M'engageant sans réfléchir dans le dédale de couloir que je connaissais par cœur, j'esquivais sans peine les quelques passant que j'y croisais, fixant les dalles de pierre qui courraient sur le sol. Lorsque je franchis l'arche de marbre rouge et pénétrai dans les Loges de Sang, je découvris sans surprise que je n'étais pas la première arrivée.

          Je m'appuyai doucement contre le mur face à l'entrée, non loin de la grille dont les combattants se servaient pour pénétrer plus loin dans l'arène.

          A l'opposé d'ici, marquées par une arche de marbre noir, je savais que les Loges de Cendre se remplissaient également peu à peu. D'ici quelques minutes, un examinateur entrerait dans chacune de ces salles et expliquerait une fois de plus à ceux qui avaient été camarades des années durant qu'en ce jour ils étaient rivaux.

          Nous savions tous ce qui nous attendait depuis longtemps déjà, et c'est pour cette raison que je m'étais interdit de me lier à quiconque. Une seule personne m'était nécessaire, et elle avait des yeux d'un acier flamboyant.

           Aujourd'hui, les émotions n'existaient plus. Les liens étaient brisés, les amitiés se révélaient mortes et enterrées.

           Aujourd'hui, la moitié d'entre nous mourrait dans des combats sanglants opposant ceux du sang à ceux des cendres.

          Et les autres accéderaient enfin au rang d'Ombre et recevraient l'enseignement d'un mentor dont ils auraient réussi à capter l'attention ou, à défaut, d'un maître choisi pour eux.

          Un examinateur entra. Grand, fin, les cheveux gominés, il joignit les mains avant de commencer son discours. Je ne bougeai pas. Rien ne servait de s'approcher pour entendre, sa voix portait loin et il savait s'exprimer, bien que son timbre légèrement nasillard soit quelque peu agaçant.

          Il prit quelques minutes pour rappeler comme il se doit les enjeux de ce tournoi pour notre avenir, enchaînant sur les règles et insistant sur le fait que les adversaires étaient tirés au sort.

La Bibliothèque interditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant