Chapitre 5

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          Ranger mes maigres possessions ne me prit malheureusement que peu de temps. Elles ne se composaient que de quelques vêtements, de mes armes et de mon réveil. Et bien sûr il y avait mon journal.

          Il recensait tous les secrets que j'avais découverts, les conversations délicates entraperçues, et tout ce qui pourrait me servir à l'avenir. J'y avais accumulé toutes les informations que j'avais pu surprendre, de la honte cachée d'un autre aspirant aux complots ourdis par certains dans la recherche du pouvoir. Ce cahier usé, je le tenais depuis mes premiers jours dans les rangs des Nocturnes, et il pouvait tout autant me mettre en danger si on le découvrait que m'être utile pour obtenir une faveur déterminante.

          Il y a quelques semaines, j'avais d'ailleurs surpris une conversation qui m'intriguait. J'avais juste compris qu'un membre du Conseil des Neuf était impliqué dans un conflit dangereux avec les sentinelles, sans même savoir qui étaient lesdites sentinelles. Les Nocturnes vivaient dans l'ombre, sans attirer l'attention, et il avait apparemment un peu trop agité les choses aux goûts de certains.

          Malheureusement, je n'avais pas pu en apprendre davantage malgré mes efforts, et le mystère refusait de s'éclaircir.

          Fébrile, je lançai un regard au réveil pour soupirer, déçue. Les aiguilles affichaient dix heures sept, ce qui me laissait presque deux longues heures à tuer avant de rejoindre Emren. Mes pensées ne cessaient de s'agiter, confuses, survolant la cérémonie de la matinée pour s'attarder sur mon tête à tête avec mon nouveau Maître, s'envolant ensuite en de folles conjectures.

          Finalement incapable d'ordonner mon esprit, je me décidai à courir un peu en sachant que cela m'aiderait à retrouver mon calme avant de me présenter devant lui. Je parcourrai mécaniquement les couloirs de pierre brute qui constituait la plus grande partie du QG. Les murs nus étaient propices aux envolées de l'esprit puisque rien ne venait éveiller l'attention, et les quelques personnes que je j'y croisai ne me firent même pas l'aumône d'un regard. Lorsque je revins à ma chambre, je me changeai et me rafraîchis rapidement avant de partir. Mes jambes avançaient seules, se faisant écho de ma volonté à arriver à l'heure. Quand je franchis les portes du réfectoire sud, je constatai avec plaisir sur la grande horloge murale que j'avais deux minutes d'avance.

          Je cherchai Emren et le trouvai sans difficulté, la pièce étant encore presque vide. A ses côtés, un jeune homme qui devait avoir entre vingt-cinq et trente ans était affalé sur le banc, ses cheveux sombres tombant paresseusement sur ses épaules. Leur conversation était animée, et ce fut hésitante que je m'assis en face d'eux, interrompant leur discussion sans avoir pu en saisir le moindre mot. Mon mentor leva sur moi un regard amusé.


          - Tu devrais manger, l'après-midi va être long.


          Je baissai la tête, honteuse de mon étourderie. La gorge nouée, je préférai répondre d'un hochement de tête plutôt que de me risque à parler, et me levai. J'eus le temps d'entendre quelques phrases précédées d'un ricanement moqueur avant de m'éloigner.


          - Je te laisse avec ton boulet, le mien doit m'attendre. Quelle plaie d'être formateur.

          - Bonne journée Aaron.


          Je pris ce qui me passait sous la main sans vraiment faire attention à ce que je déposais dans mon assiette, et retournai m'asseoir en silence. Je picorai plus que je ne mangeai, occupée à observer mon mentor à la dérobée alors qu'il était lui-même concentré sur quelques documents dont je ne discernais pas le contenu.

La Bibliothèque interditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant