Dans le ventre du monstre - TWD - [TOME 7]

Partie 1

8x00 

Apocalypse - Cigarettes after sex

Knots - Lisa Hannigan

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Une pièce plongée dans la pénombre, percée seulement d'une lucarne sale au bord du plafond d'un des quatre murs nus. La poussière brille dans la clarté survivante, volant sans bruit ni force tout autour de la tête immobile, baignée de ténèbres résistantes.

Negan rumine.

Pour la énième fois, il soupire lourdement et s'adosse au dossier de sa chaise en formica dont les pieds d'un autre siècle, grincent eux aussi à nouveau.

Negan fulmine.

Comment la situation qu'il tenait pourtant d'une main de fer a-t-elle encore pu virer à une telle débandade, une débâcle qu'il a bien sentie lui rentrer jusqu'à l'os ?!

Il est pourtant parvenu à les dominer en un temps éclair. Il a pulvérisé deux gus de ce putain de groupe de connards en une seule nuit, il a rallié leur pseudo génie d'handicapé de la vie et a même fini en beauté en leur subtilisant un de leurs meilleurs snipers ! Alors quoi ? Qu'est ce qu'il a loupé ? Qu'est ce qu'on lui a caché pour qu'il se vautre aussi lamentablement ?

Pourquoi cette petite guerrière s'est-elle transformée dans sa boîte ? Ce n'est pas ce qu'il avait prévu, bon sang ! Il voulait juste leur faire mal, les faire souffrir, tous, en un seul et dernier coup, théatral. Il avait tellement tout visualisé, tout vu par avance ! Mais non, il a fallu que tout parte en vrille.

Avec Jadis et ses feignasses de Ferrailleurs, il était sûr de son atout, il avait une main de tous les diables, bordel ! Alexandria était enfin à lui, et il offrait Rick à sa Lucille. Même s'il a aperçu leur cul terreux de Daryl, derrière le portail de ce putain de bled, c'était du tout cuit...

Alors quoi ???

Qu'a-t-il loupé, réellement, pour se faire enfler de la sorte ?

La veuve... C'est ça.

En plus de Daryl qui s'est impunément barré de son Sanctuaire, ils se sont bien cachés de lui dire que la Veuve était toujours vivante, cette salope, alors qu'il pensait qu'elle avait fini dans le même trou que son mec à la gueule défoncée par sa Lucille... Et elle a soulevé une petite armée à elle seule, en plus.

Avec cette garce, s'est réveillé ce faux roi aux dreads qu'il pensait aussi courageux qu'une larve dégueulasse. Avec ce tigre, improbable, surgi de nulle part, qui a broyé plusieurs de ses hommes, merde !

Et pour couronner le tout, pour l'humilier jusqu'à la moelle, comme une provocation ultime, sa douce, son inoffensive créature, minuscule et insignifiante. Il l'a reconnue dès qu'il l'a aperçue. Même si ça n'a duré qu'une fraction de seconde, planquée qu'elle était derrière ce gros pick-up, il n'a pas pu se tromper. Emma l'a fixé, elle l'a visé même, ostensiblement mis dans sa lunette de tir. Elle était munie d'une arme deux fois trop grande pour elle, mais il a vu son regard on ne peut plus dérangeant,déterminé, implacable, comme il ne l'avait jamais vue, méconnaissable.

Il sait dans ses tripes qu'elle était aussi saisie de surprise qu'il l'a été de la découvrir là. Le temps d'un battement de coeur, revenu dans son antre plongée dans le noir, en son for intérieur seulement, sa mémoire lui fait de nouveau sentir le parfum de ses cheveux qu'il ne peut se passer de sentir quand elle est à portée de son nez, de ses longs doigts. Il sent subitement la fragilité de sa maigreur quand il la tient toute contre lui, surgit ensuite la douceur de sa peau nue sous ses paumes, et la chaleur tiède et vivante de son corps quand il est en elle. Puis vient le silence blanc, apaisant, qui emplit sa tête quand il plonge ses prunelles brunes dans les iris oranges de la petite femme. Le temps d'une seconde, son cerveau lui assène, le nargue, de tous les plaisirs dont il s'est gorgé quand il l'a eue rien que pour lui, et que sa simple vue, là, au milieu du chaos qu'il a lui-même créé, lui promet à nouveau, comme aucune autre de ses femmes ne le peut au Sanctuaire. Le désir, la convoitise, le saisissent encore une fois, comme la première fois qu'il a croisé Emma, agenouillée devant lui, dans la lumière des phares. Le même désir qui lui prend les tripes, comme seule sa Lucille, la vraie, a su le faire, le tenir, pendant des années. Il sait aussi que c'est sans doute cette hésitation, fugace, qui lui a sauvé la vie, qui l'a empêchée d'appuyer sur la détente, son cerveau à elle lui a peut être joué le même tour l'a faite viser une autre tête, au delà de la sienne, l'empêchant de tuer ce qu'elle aime au plus profond et malgré elle. Mais cela ne l'a pas freinée pour buter un autre de ses hommes, à quelques mètres derrière le leader. Et rebelote ! La putain de sa mère !

Mais la prochaine fois qu'il la verra, il se jure de ne pas se laisser flotter. Il se jure que lui ne la loupera pas.

Il en fait le serment.

"Putain !" jure l'homme en poussant les pieds de la table devant lui, d'un brusque mouvement plein de rage.

Quelqu'un vient le sortir de sa haine du monde en osant toquer timidement à la porte de son antre, plongée dans le noir.

"Negan... ? tente Dwight de l'autre côté du pan de métal. On t'attend pour notre réunion...

- J'arrive..." maugrée-t-il.

Il regarde le plafond une seconde, se passant les mains dans les cheveux en poussant un soupir lourd. Il ne fait pas attention aux pas qui s'éloignent déjà dans le couloir, discrets, peu patients pour l'attendre et vouloir faire le chemin de retour en sa compagnie.

Il est fatigué de toute cette merde. Tout ça commence à le faire chier, sévère.

"Ouai... ça fait chier. Alors va falloir que ça change", décrète-t-il d'une voix très grave en se levant d'un coup.

Il avait déjà oublié qu'il avait convoqué tous ces trous du cul à une petite réunion autour du vieux de la Colline. Il voit bien que Simon se tortille quand il s'agit de Gregory. Il doit lui cacher un ou deux trucs pas nets. Forcément. Mais Negan n'arrive pas encore à mettre le doigt dessus. Il sait que Simon n'est pas super réglo avec lui ces derniers temps. Dwight, depuis l'épisode du fer à repasser et de sa Sherry, est bien plus fiable et droit, aucun doute. Ca fait aussi partie du charme du grand moustachu, faut dire, pense Negan en haussant les épaules, un sourire presqu'attendri aux lèvres, enfin distrait de la mini brune et de son groupe de tocards. Il connait Simon depuis combien de temps ? Vingt ans ? Une apocalypse change un homme. Même le plus grand d'entre eux. Il en sait quelque chose. Et peut être bien qu'il est en train d'assister à la métamorphose, un peu tardive certes, de son grand ami, Simon. Il se trouve alors amusé et intéressé d'assister à ça. Juste pour voir. Juste pour avoir la jubilation de lui claquer la gueule si jamais ça vire en noeud de boudin pour ses projets à lui. Sûr.

Et le spectacle va commencer maintenant : avec les deux vieux Muppets à leur balcon, Simon et Gregory...

Negan délaisse sa veste, mais attrape Lucille au passage, d'une main agile, la faisant chanter comme lui seul sait le faire avant de la poser sur son épaule gauche.

"Show time..."