Chapitre 47

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Mercredi 4 janvier 2017

17h30

Dans la salle à côté du bureau du big boss de ma maison de disque, je panique intérieurement. Chloé, qui a tenu à m'accompagner, n'en mène pas large non plus. On s'imagine chacune de notre côté les raisons horribles qui nous ont emmené ici.

La secrétaire se lève et s'approche.

Secrétaire : Mademoiselle Santiago, vous pouvez rentrer.

Avec Chloé, on se lève en même temps et elle me regarde m'éloigner dans l'immense bureau d'à côté. Le boss est là, sur un fauteuil en cuir blanc, un cigare à la main, un air de vieux monsieur pas commode sur le visage. Je regarde tout autour de moi en cherchant une fenêtre par laquelle me jeter si les choses tournent mal. Derrière lui se trouvent deux personnes du même âge que lui, qu'il me présente comme les meilleurs avocats de la société. Je m'approche et leur sert la main, à deux doigts de faire un malaise. Sur le canapé d'à côté, il y a Ethan, assis, un verre de whisky bien entamé à la main, le visage peu rassurant. Big Boss m'invite à m'asseoir en face de mon producteur, sur le second canapé de cuir qui sent encore la vache, ce qui me donne encore plus la nausée.

Boss : Mademoiselle Santiago.

Moi : Oui.

Boss : J'ai un whisky pur malte de 50 ans d'âge, une pure merveille.

Moi : Ah, et bien, félicitations.

Boss : Puis-je vous en offrir un verre ?

Moi : Euh... Non merci, je préfère garder les idées claires.

Ethan : A mon avis Mel, tu devrais accepter.

Moi : Dites-moi ce qui se passe. Je suis à deux doigts de faire une attaque.

Boss (à un des avocats derrière lui) : Apportez-lui un verre de ce délicieux whisky je vous prie.

L'avocat, malgré le nombre d'année d'étude qu'il a derrière lui, s'exécute sans broncher. Mais je n'y prête que moyennement attention. Il dépose ledit délicieux whisky sur la table basse en verre devant moi, et je le remercie d'un sourire crispé.

Boss : Bon, passons aux choses sérieuses.

Moi : Oui, s'il vous plait.

Boss : La dernière chanson de l'album, c'est bien monsieur Jared Leto qui l'a écrite à la base, vous confirmez ?

Moi : Euh... Oui ! Pourquoi cette question ?

Boss : Et à quel moment est-ce qu'il vous a autorisé à vous servir de ces paroles-là pour une chanson ?

Moi : Il a écrit cette chanson pour moi. Mais pourquoi ?

Boss : Nous avons besoin de plus de précisions, mademoiselle Santiago.

Moi : Euh... Si je me rappelle bien, à Los Angeles d'abord, et on en a reparlé à Tokyo à deux reprises. Bon, vous allez me dire ce qu'il se passe maintenant ?

Boss : L'ASCAP a informé la SACEM que ces textes ont été déposés et que vous ne bénéficiez pas de l'usufruit de ces œuvres.

Moi : Pardon ? C'est impossible.

Ethan : Non Mel, Jared a porté plainte. Contre toi et contre le label.

Mes yeux regardent successivement le big boss et Ethan sans s'arrêter. Je suis dans l'incompréhension la plus totale. J'attends qu'on m'annonce que tout ça n'est qu'une caméra cachée mais les regards graves des deux avocats m'ôtent tout espoir. J'attrape le verre de whisky devant moi et le vide d'une traite.

Moi : Mmh delicieux ! Mais je suis pas sûre de comprendre... Jared a fait quoi en fait ?

Boss : Si à un moment, il vous a donné le droit d'utiliser son texte, il n'y a aucune preuve écrite, et lui prétend le contraire aujourd'hui.

Moi : C'est pas possible, Jared n'a même pas protégé ces chansons ! Sinon, bien sûr que j'aurais mis son nom !

Le boss me tend un papier de l'ASCAP. Jared a bien déposé les chansons qu'il m'avait écrit, à son nom, le document datant du 10 octobre 2016.

Moi : Mais enfin, c'est ridicule, la chanson a été déposé à mon nom à la SACEM pour qu'on puisse la mettre sur l'album.

Ethan : On l'a déposé après lui.

Moi : Pourquoi ils l'ont acceptés si elle était déjà déposée ?

Ethan : Ils savaient pas, ils n'ont pas de liens directs avec l'ASCAP. La SACEM est simplement là pour prendre les dépôts de chanson pour protéger juridiquement en cas de vol. Mais là, avec les deux documents sous les yeux, on voit de suite qu'on fera pas le poids dans un tribunal.

Boss : Surtout si vous n'avez aucune preuve de cet arrangement avec monsieur Leto.

FLASHBACK

Mercredi 30 novembre 2016

23h55

Tokyo

Jared : En tout cas, même si je comprends pas tout, ton album est super.

Moi : Ah ! Tu l'as écouté !

Jared : J'ai fait que ça à Osaka ! J'avais l'impression que tu étais près de moi comme ça.

Moi : C'est trop chou ce que tu dis ! Je suis contente que ça te plaise en tout cas ! J'ai une super équipe, j'ai beaucoup de chance !

Jared : Mais il manque un truc. Ton album est pas fini.

Moi : Ah oui ?

Jared : Il manque une des chansons qu'on a écrit ensemble.

Moi : J'adorerais en mettre une mais voilà, c'est un peu délicat... Comme je t'ai dit, j'ai pas envie que des gens puissent penser que je suis avec Toi pour profiter de tes talents de parolier et de la notoriété de ton nom.

Jared : Rien ne t'oblige à mettre mon nom, ces chansons sont pour toi. On les a écrite ensemble pour ton album je te rappelle.

Moi : C'est surtout toi qui les as écrites. Tu es sûr que ça t'embête pas ?

Jared : Bien sûr que je suis sûr ! Sauf si tu ne les veux vraiment pas !

Moi : J'adore l'idée qu'on ait une chanson à nous deux, et de te faire participer à cet album aussi, ça me plait bien. Mais personne le saura, c'est nul !

Jared : Toi, tu le sauras, et moi aussi. Ça sera notre secret à nous. Et notre chanson aussi.

FIN DU FLASHBACK

Boss : Quand je pense que vous nous avez fait ajouter cette chanson au dernier moment !

Moi : Quand je suis rentrée de Tokyo, je me rappelle. On en avait parlé là-bas justement avec Jared, c'était convenu comme ça. Avant qu'on se sépare en fait. J'arrive pas à y croire qu'il ait pu me faire ça.

Boss : Il va falloir arranger ça. Appelez-le, allez chez lui, harcelez-le, faites ce que vous voulez mais surtout, il faut éviter le scandale. Ça ne doit pas se savoir.

Moi : Dire que je voulais juste Lui faire une surprise...

Boss : Il ne l'a pas beaucoup appréciée apparemment ! Quoiqu'il en soit, vous avez 48 heures, sinon, on sera contraint de retirer votre album de la vente en attendant de trouver une meilleure solution.

Moi : Mais non ! Vous pouvez pas faire ça !

Boss : J'ai tous les droits quand il s'agit de ne pas trainer cette maison de disque dans la boue.

Je baisse les yeux. Jared m'a fait connaître le paradis, et me fait maintenant vivre l'enfer.

Lost LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant