Chapitre 21

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Il fit de nouveau un pas vers moi. J'étais complètement acculée contre le buffet. Ses yeux me fixaient et je sus qu'il faudrait un miracle pour que je m'en sorte. Je voulus alors tenter le tout pour le tout et m'essayait à une petite feinte sur la gauche. Sauf, que comme je suis le plus gros boulet de l'histoire de l'humanité, je n'avais pas vu les deux balais posés contre le buffet et je me pris les pieds dedans. 

La main qui attrapa mon poignet me sauva d'une chute humiliante mais le contact de sa peau sur la mienne me fit l'effet d'une brulure. Je m'écartai le plus vite possible. Matteo me dévisageait maintenant avec surprise. Ses yeux ne cessaient pas de faire des aller-retours entre sa main et mon poignet. Je mis le buffet entre nous pour éviter désormais tout contact physique. Je craignais déjà qu'il m'ait reconnu. Je savais pertinemment qu'il fallait que je sorte de cette cuisine mais la tentation d'être le plus proche possible de lui était beaucoup trop forte.

- Qui es-tu ? me demanda-t-il d'une voix sourde.

-Kumary! Enfin, je te trouve! 

L'entrée de Jazmin me sauva! Une fois de plus! 

Elle se posta à côté de moi.

-Matteo! Alors, comme ça on accapare ma cousine dès son arrivée? 

-Je...

Elle ne le laissa pas répondre. Il me fixait.

-Bon, on va te laisser, il faut que je la présente à tout le monde! A plus! dit Jaz en me tirant derrière elle.

-Attends! cria-t-il.

Je me retournai.

-Nous sommes-nous déjà rencontrés ? 

J'allai parlé mais Jazmin me devança.

-Comment veux-tu l'avoir rencontré si elle n'est jamais venue à Buenos Aires ? Moi-même, je ne la connais que depuis peu...

-Oui mais...

-Non, elle ressemble à une star américaine c'est peut-être pour cela! Tu dois la confondre!

-Pourtant, je jurerai que...

Ses yeux ne me quittaient pas. Il cherchait un indice, le quelque chose qui lui donnerait la mystérieuse réponse à la question inconnue. Je ne pouvais, réciproquement, pas m'empêcher de le dévisager.

-Matteo, tu sais bien que la boisson et toi...

-Ca n'a rien voir! lui répondit-il durement. Tu as ce je ne sais quoi, me murmura-t-il. Et quand je t'ai touché...

-Ne t'inquiètes pas, c'est normal que tu ressentes cela! Ca le fait à beaucoup de garçons lorsqu'ils la rencontrent pour la première fois! 

Il l'ignora et attrapa ma main. Il la serra.

-Dis-moi quelque chose. Je t'en prie.

Rien ne se déroulait comme prévu! A aucun moment, nous n'avions imaginé, que malgré mon déguisement, quelqu'un, en l'occurrence Matteo, sentirait quelque chose. Il fallait que je fasse quelque chose. Vite. Mais quoi ? 

Contre ma volonté, je dégageai ma main des siennes. Je modulai ma voix et lui dit:

-Nous ne nous sommes jamais vus...

Puis je lui tournai le dos et je partis sans un mot de plus. Sans m'arrêter, je sortis de la cuisine. Je me retrouvai au salon, étouffée dans la foule. Je tentai tant bien que mal de me frayer un chemin mais la jeune fille en robe rose qui tenait deux verres de bière fut une innocente victime: je ne la vis pas arriver et la percutai de plein fouet. Elle atterrit, au sol, sur les fesses, l'intégralité de ses verres renversait sur elle. Son cri strident attira l'attention.

Je voulais me fondre dans la foule pour ne pas me faire remarquer mais elle m'avait bien repéré et j'étais sa future victime. 

-Comment as-tu pu me faire ça ? 

-Je suis sincèrement désolée, je...

J'entendis alors Jaz chuchotait à mon oreille: 

-Imbue d'elle-même, égocentrique, modeste,... Tu ne dois pas t'excuser!

-Mais tu n'avais rien à faire sur mon chemin, repris-je.

Les yeux de la petite brune lançaient des éclairs: 

-Quoi? Comment ça? Tu rigoles j'espère? 

Mes ongles s'enfonçaient dans ma paume. Je devais tenir un masque froid et jouais ce rôle correctement! Je la méprisai alors du regard. La foule rit. Je détestai ça! Comme les gens sont cruels...

Je ne sus pas trop ce qui se passa ensuite mais tout fut très rapide. La furie s'était relevée et me sauta dessus. Cependant, elle avait oublié la flaque de boisson et s'étala de tout son long sur le carrelage. Elle cria une nouvelle fois. Les rires redoublèrent.

Quelqu'un se fraya alors un chemin dans la foule et parvint jusque nous: Matteo.

Il s'approcha de la brune et l'aida à se relever. Une flamme de jalousie me consuma et balaya toutes pensées raisonnables. Je voyais noir. Ses gestes étaient tendres, presque doux?! J'allais devenir folle...

-Ada, calme-toi! 

Ada? Ada?! C'était donc la fiancée de Matteo ? La fille... cette fille ? 

-Mais pour qui se prend cette garce ? Je... Tu... hurla cette dernière.

-Allez! Viens! tu es trempée, il faut... chuchota-t-il. 

-Je vais lui régler son compte d'abord, tu vas voir !

Je les dépassai et lançai: 

-Oui enfin, tu ferais mieux de régler ta tête, tes vêtements et ton maquillage avant ma chérie! Là, tu ne ressembles plus à grand chose...

La bouche d'Ada resta grande ouverte et Matteo se mordit la lèvre. Bien. Bien... il n'avait aucun mal à se moquer d'elle...

-Et toi? Et toi tu ris ? Non mais c'est le comble ! En plus de ne pas me défendre, tu ris aux blagues de cette catin ?

L'insulte ne m'atteignit même pas.

-Ecoute ma grande, ce n'est pas parce que tes jambes sont grandes ouvertes que c'est le cas de tout le monde! Alors prends tes clics et tes clacs, tâche de te trouver une vie, et refais toi une tête. Tu feras du bien à tout le monde. Il y a quatre salles de bain dans cette maison, enfin cinq, si on compte celle des employés, tu finiras bien par trouver un moyen pour avoir l'air potable non ? Sur ce, bonne soirée !

Je m'éclipsai dans le jardin. Je m'accoudai à un poteau et respirai très lentement. La jalousie était vraiment un vilain défaut...




Lutteo - Without You I Can't BreatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant