Idylle

Chapitre 35

Monter dans l'avion fut une étape beaucoup moins difficile que ce à quoi je m'attendais après les derniers événements. 

Rester dans l'avion, c'était une tout autre affaire. Face à cet étendu de vide, durant près de sept heures, il n'y a rien d'autre à faire que de remuer, remuer et remuer mes pensées dans tous les sens. 

Etre dans un avion vous force à penser à vos problèmes. Je ne ressentais aucune douleur à l'idée de quitter le pays. Mais maintenant, presque une heure après avoir décollé, le manque semble inondé mon âme. Derek, Sara, même Mélissa... Les enfants, à qui je n'ai pas pu dire au-revoir... Morgane, Matteo, Thomas... Tout ces gens que je ne reverrais peut-être jamais et à qui je n'ai pas su dire au revoir. 

Le regret me saisit, mais l'impatience finit par me gagner au fil des minutes. Je vais revoir ma mère, retrouver ce nid douillet qui m'a tant manqué. Me sentir chez moi, en sécurité, afin de me reconstruire. J'ai tellement hâte de ce moment où je vais attiré sur le territoire belge. Retrouver mes amies. 

Je pense soudainement à Cassie, à qui je ne cache plus grand chose de ma vie depuis quelque temps. Vais-je lui dire les raisons de mon retour brutal ? Je ne l'ai pas mise au courant du fait que je revenais, et je ne sais même pas si ma mère l'a prévenu. 

La solution me vint à l'esprit aussitôt, m'apparaissant comme la plus sure pour moi. Mieux valait ne rien dire, pour me préserver, et éviter que cette histoire ne fasse le tour de mon cercle de connaissance. J'allais tout simplement inventer un mensonge. Oui, c'était le mieux à faire. Mentir serait peut-être difficile, surtout auprès de mes amis proches, mais personne n'avait à savoir la vérité en dehors de ma mère. C'était déjà assez difficile comme ça. Je suis partie pour oublier, et c'est pourquoi je n'en parlerai plus jamais une fois revenue à la maison.

*****

Ce serait un euphémisme de dire que maman m'a couvé telle une poule pendant plus de trois semaines après mon retour. Ce serait un euphémisme de dire que je me suis sentie redevenir enfant durant tout ce laps de temps. 

Je suppose que ce fut bénéfique pour nous deux. Ma mère a pu m'apporter tout son soutien et son amour, elle m'a fait montré à quel point elle voulait se rattraper de ne pas avoir su être là sur le moment pour me protéger. Moi, ça m'a donné la force de me relever. J'ai revu mes amies. Surtout Cassie, qui a quasiment élu domicile à la maison pendant quelques jours, affirmant que je lui avais trop manqué. Et ça m'a fait un bien terrible. 

Mais il ne faut pas croire qu'on a laissé l'affaire coulé sous les ponts. Maman ne parle que de ça depuis des semaines : la justice, elle la veut, et elle l'aura. Elle a porté plainte auprès de l'organisme à l'origine de ses échanges, et les appelle tous les jours afin que notre dossier ne finit pas aux oubliettes. 

J'ai eu un peu de mal à me faire à l'idée de porter plainte contre les Robinson, et maman l'a bien vu. C'est pourquoi elle m'a promis de faire en sorte que seul Grégory soit puni pour ses erreurs, et non sa famille. Mon cœur se serre encore à la pensée de Derek. Je n'ai eu aucune nouvelle depuis mon départ, et je n'ai pas non plus trouvé le courage de lui envoyer un message. Je ne suis tout simplement pas encore prête pour ça. Cette idée me parait complètement débile, mais je ne peux pas m'empêcher de me dire aussi qu'il m'a peut être oublié. La partie raisonnable de mon esprit ne cesse de repousser cette éventualité après les déclarations qu'il m'a faite à l'aéroport, et à juste esprit. Dans des moments de faiblesse, il m'arrive de déprimer sur ce manque que je ressens, et sur la peur qu'il m'oublie. Je ne pourrais même pas décrire à quel point ça me fait bizarre de savoir qu'il est à l'autre bout du monde. 

Mais contrairement à Derek, Sara m'envoie des messages tous les jours, me demandant comment je m'en sors, et si tout se passe bien en Belgique. Elle prétend aussi que je manque à Mélissa, cependant j'avoue que je ne suis pas certaine que cela est vrai. Quasiment tous les jours, elle m'envoie des nouvelles, et je dois avouer que cela me fait chaud au cœur. On s'est promis qu'on se reverrait un jour, et je compte vraiment respecter cette promesse.