Chapitre 26

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« Madame la directrice, sauf votre respect...

-Ma réponse est toujours la même, Jafar, répliqua la jeune femme, je refuse de m'allier à cet être abject. »

Madame Poppins était debout dans son bureau, paupières closes devant la fenêtre. Les dernières semaines avaient été longues et compliquées, ce qui expliquait les cernes violacés qui marquaient ses yeux. Après avoir récupéré une respiration plus calme, elle observa attentivement l'extérieur de l'école : la fontaine, qui était maintenant éteinte à cause de la canicule, les grands arbres qui longeaient la route du gymnase, les bancs où s'entassaient habituellement des dizaines d'adolescents qui riaient tous ensemble... pendant les grandes vacances, cependant, l'endroit demeurait totalement désert, ce qui lui donnait un petit côté angoissant. Ou sans doute était-ce l'état d'esprit de la directrice qui rendait ceci angoissant.

« J'ai donné toute mon énergie et tout mon temps dans cette école, reprit-elle à l'intention de son adjoint. Et ce n'est pas Pitch Black qui me retirera tout ça. »

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Voilà un mois qu'Harold était à Beurk. Juillet touchait à sa fin, et il n'en était qu'à la moitié de son séjour, mais celui-ci avait été rempli de surprises et de choses extraordinaires. Pourtant, lors de son arrivée, l'île n'avait pas vraiment emballé le jeune homme.

Après une longue traversée de plusieurs heures en mer, le port de l'île leur était enfin apparu. Le soleil n'arrivait pas à percer la couche de nuages sombres, et l'air sentait le sel et les embruns marins. Sur la plage, quelques enfants jouaient en courant après les vagues, tandis que deux vieux hommes pêchaient à la ligne, perchés sur les rochers.

« Cette île m'avait tant manquée, fit Stoïck en regardant par-dessus la rambarde. J'espère que tu ne t'y ennuieras pas trop.

-Ne t'en fais pas, papa. Je trouverai de quoi m'occuper. »

Pour une fois, son père avait échangé son costard cravate habituel pour un jean et une 'chemise de bucheron' comme il aimait l'appeler, ce qui lui donnait un petit air décontracté plutôt rare chez lui. Lorsque le bateau accosta, ils descendirent leurs valises jusqu'au pont, où ils furent accueillis par leur ami Gueulfor.

« Eh ben vous voilà enfin ! Aaah les citadins, jamais à l'heure ! s'exclama-t-il en les accueillant. Mais c'est pas vrai, c'est bien toi Harold ? En six mois tu as grandis d'au moins deux têtes ! Et c'est que t'aurais presque des muscles maintenant, jamais j'y aurais cru...

-Merci Gueulfor, ça me réchauffe le cœur d'entendre ça. Vraiment, je t'assure ! »

Stoïck serra son meilleur ami dans ses bras, avant de demander des nouvelles de 'tout le monde'. Harold ne savait pas qui désignait cette appellation, mais ne s'y intéressa pas pour le moment. Le voyage l'avait fatigué, et il n'avait qu'une seule envie, c'était de s'installer dans sa chambre et d'avoir une bonne nuit de sommeil.

Après avoir grimpé parmi les rues pavées du village de Beurk, ils arrivèrent enfin à la maison de Gueulfor, qui surplombait la baie. En regardant son père, Harold vit que ce dernier était ému. Même s'il ne savait pas encore tout du passé de sa famille, il savait que cette île avait beaucoup compté à ses yeux. En entrant dans la maison, Harold eut à son tour le souffle coupé :

« Et voilà ! La vieille maison de tes grands-parents ! » déclara Gueulfor en écartant les bras.

Bien sûr, Harold se souvenait de cette maison. Non pas pour l'avoir vue en vrai, mais pour l'avoir vue dans ses rêves il y a quelques mois de cela. Ou plutôt dans ses cauchemars. Cependant, il fit comme si tout était normal et observa autour de lui pour se familiariser avec ce nouvel environnement. Les lustres en bois de cerfs, les étagères croulant sous les vieux livres, les murs décorés de boucliers Vikings et de photos jaunies par le temps... la décoration et les meubles donnaient un aspect plutôt rustique à la maison, ce qui plut à Harold. Cela changeait de sa maison où tout était incontestablement moderne.

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