-Comment ça, ce n'est pas le majordome ? Répéta Lestrade, un ton plus bas.
-Bien sûr que non, inspecteur, continua Holmes, sans se soucier du fait qu'ils se trouvaient au bout milieu de Scotland Yard, et que tout le monde écoutait leur conversation. Allons délivrer ce malheureux !
-Oui, Lestrade, railla l'inspecteur Gregson en leur ouvrant la porte qui menait aux cellules. Allez donc réparer vos erreurs !
Lestrade lui jeta un regard assassin, qui lui fut superbement rendu.
-Vous en êtes certains, Holmes ? Demanda une nouvelle fois Lestrade en tournant dans le couloir qui menaient aux cellules.
-Je n'aime pas me répéter, inspecteur, répondit froidement le détective. Ouvrez cette porte.
Le policier obéit... et poussa un cri d'horreur, redoublé par Watson et Holmes.
Le majordome, de l'autre bout de la petite cellule, leur jetait un regard vide. Sa tête penchée était gonflée, ses yeux anormalement globuleux. Sa langue énorme pointait entre ses lèvres.
Quelque chose était serré autour de son cou. Une manche de son gilet. Accrochée à sa chemise. Accrochée à un barreau.
Il s'était pendu.
-Mon Dieu... souffla Watson en s'approchant. Mon Dieu... Il... il est mort, constata-t-il en cherchant un pouls inexistant.
-Mais il y a des mesures, déclara Holmes d'une voix légèrement étranglée. Normalement, il y a des mesures, pour que les prisonniers ne puissent pas...
C'est de ma faute, songea-t-il. J'aurais dû prendre l'enquête sans délais.
Lestrade hocha la tête d'un air absent avant de se rendre compte que c'est à lui que s'adressait le détective.
-HOLLAAAARD ! Hurla-t-il dans le couloir, heureux d'avoir une bonne raison d'extérioriser ses émotions.
Le policier si doucement quémandé se précipita vers son chef. La vision du pendu lui arracha un cri d'horreur.
-Peut-on savoir où vous étiez ? Accusa Lestrade. Vous êtes censé faire des rondes régulières.
-Je... Je... En temps normal, toujours... Mais un prisonnier extrêmement dangereux s'est échappé dans l'autre aile et a pris un otage... Tous les policiers se sont précipités pour l'encercler... Je ne suis resté absent qu'une demi-heure... Une petite demi-heure...
Mais Hollard savait qu'il n'arriverait jamais à se pardonner cette petite demi-heure, aussi justifiée ait-elle été.
Tout autant que Lestrade ne se pardonnerait pas d'avoir arrêté un innocent.
Et que Watson, les yeux brûlant, se répéterait que c'était entièrement sa faute, du début à la fin. Personne n'aurait arrêté le majordome sans lui.
Il aurait tout aussi bien pu le pendre lui-même.
Holmes fit volte face et sortit de la cellule sans un mot. Le poignard qui perçait le cœur du docteur s'enfonça un peu plus profondément dans sa poitrine. Holmes aussi pensait qu'il était coupable.
-Détachez-le, dit enfin Lestrade, qui avait reprit contenance, au policier. Docteur Watson, vous devriez peut-être partir.
-Le... Le médecin du Yard est absent, balbutia Hollard.
-Je vais m'en charger, dit doucement Watson.
Lestrade sortit de la pièce sans rien ajouter, à la poursuite de Holmes. Le policier sortit aussi, chercher un brancard.
Laissant Watson seul, seul avec ce corps qui le dévisageait et son énorme culpabilité, qui déborda sous la forme d'une larme. Une seule larme, mais si pleine d'amertume qu'il songea, quelque part au milieu de sa détresse, qu'elle laisserait sur sa joue une cicatrice indélébile.
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La Chute du Docteur Watson (Victorian Johnlock)
FanfictionTout avait si bien commencé. L'éternel salon de Baker Street, une enquête, du soleil, un Holmes de bonne humeur, et un docteur rayonnant. Mais l'obscurité ne faisait qu'attendre son heure. Malmené de bout en bout, miné par ses erreurs, Watson s'enfo...