10- A painful sight

131 41 2
                                        



Me voici souillée, déshonorée, répugnante. J'avais osé être la victime d'un viol. Quelle pécheresse! J'étais la seule personne à blâmer. Je cherchais à être prise par force et sauvagerie et j'avais tout calculé. La manière dont il m'avait bousculé contre le mur, cogné la figure contre la commode, tiré les cheveux pour empêcher toute tentative de me débattre. La manière dont il avait déchiqueté tout tissu couvrant ma peau afin d'avoir aisément accés à mes courbes conçues pour être empoignées par ses mains rugueuses, mais pures et célestes. La manière dont il me rappelait que je n'existais que pour ce jour et qu'être enfourchée par lui était le plus raffiné des privilèges, la crème de la crème. La manière dont il me mordait l'épaule et me marquait au fer rouge avec des suçons d'un aspect violet époustouflant transformant ainsi mon corps en une palette de couleurs froides. La manière dont il me giflait à chaque pénétration, à chaque coups de rein que je recevais identiques à des tires de canons, des explosions bien juteuses. La manière dont mon bas du ventre sécrétait des marres d'une eau vitale et immaculée suite au clivage des frontières de ma chasteté. La manière dont il gémissait de plaisir à chaque orgasme tandis que je me noyais au fond de l'océan de la souffrance, éméchée aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Tout ceci pour récapituler le ravissant cadeau que la vie avait mis sur mon passage encore une fois. Pas la peine de tirer en longueur l'ironie pour camoufler ma mélancolie. Je l'avais clairement stipulé, pourtant. La misère me collait à la peau et bien évidemment mon « bonheur » avait été temporaire. Combien d'épreuves devrais je subir avant de me résigner et mettre un point final à mon «épopée». Il valait mieux que je me projette dès maintenant sous terre, non ?

*****

Je n'avais osé piquer un somme, tentative de libérer mon esprit de la tourmente, que lorsque je sentis qu'il s'était envolé. Chaque seconde où j'avais partagé le lit de ce monstre, je sentais mon amour-propre flancher à mesure. J'avais été dominée et il n'était guère de mon pouvoir d'effacer cette horrible pièce du puzzle de mon existence. Je fus réveillée par ce qui semblait être le manager en personne de l'hotel. Cela aurait presque été un honneur s'il ne s'était pas déplacé pour me prier « poliment » de disposer. La femme de chambre avait sûrement dû remarquer le bazar, sans oublier mon état piteux, ce qui l'avait contrainte à signaler ces désagréments à son supérieur. Effectivement, mon sang était déversé sur le sol et les matelas et puis je ressemblais à un cadavre tout droit revenu d'entre les morts avec mon teint blanchâtre, la fissure sur mon front, les blessures et les séquelles de mon agression. Je percevais dorénavant la suite telle une véritable boucherie et j'avais été la proie sacrifiée pour assouvir les pulsions sexuelles de l'homme. Je me mis sur pieds avec difficulté, pris mon sac que je dissimulai sous mon aisselle et quittai le carnage. Une fois  projetée dans le couloir, je l'entendis bafouiller qu'il en avait marre de ces prostituées ce qui suscita en moi un ouragan de sanglots. Je pensai à ma mère dont la dépression, l'alcoolisme et l'addiction à la drogue étaient un mystère pour moi, étant jeune. Il suffisait de voire le traitement que ses paires subissaient à longueur de journée. S'éloigner du domaine était synonyme de faim alors que s'accrocher à la « profession » rimait avec la dépendance éternelle et l'esclavage sexuel perpétuel.

*****

Une fois chassée, je levai les yeux au ciel et reçus de fines cordelettes de pluie. Je me souvins, tout à coups, du mythe d'Ouranos, le ciel avec ses milliers de constellations. Écarté de Gaïa, la terre et la fille du chaos, il s'était fixé tout en haut du monde. On dit que les fluides provenant de l'azur ne sont autres que les larmes d'Ouranos : larmes de douleur, larmes de remords et larmes de nostalgie...
J'approchais du commissariat le plus proche quand j'eus la ferme intention d'avoir recours à la justice. Je m'accroupis sur les marches du poste, fouillai dans mon sac à la recherche du téléphone. Je vérifiai mes messages en quête de parvenir à notre discussion et fus démolie de ne pas trouver notre échange. Je tapai son nom avec insistance sur la barre de recherche des contacts sans résultat fructueux. Je me grattai nerveusement les cheveux, je me mis tout à coups à transpirer et ma respiration devint troublée. Que j'étais pathétique à chercher des preuves inexistantes pour l'inculper alors qu'il était déjà loin, la conscience tranquille, après s'être assuré qu'on ne remonte pas jusqu'à lui ! Qui croirait une gamine, franchement ? Je rebroussai chemin m'orientant nulle part avec la foule autour de moi arpentant le trottoir. On me bousculait, me marchait sur les pieds sans même m'accorder un seul regard. Les gens continuaient leurs quotidien alors que moi j'était plantée, là, impuissante, avec l'impression que le temps s'était arrêté. Je m'abandonnai contre le mûr d'un bâtiment au sein d'un coin aussi vide que le gouffre qui emplissait mon coeur, libérai mes pleurs jusqu'à me réfugier dans la cité du rêve et de l'évasion bercée par les rugissements des véhicules, étreinte par la chaleur de l'atmosphère et hébergée par cette bienfaitrice qu'était la rue.

Je "ressuscitai ", brusquée par la faim, me redressai debout non son émettre une plainte de douleur et avançai en éprouvant l'effet de marcher sur des épines. J'enlevai les assassins pédestres, les maintins par mon indexe et me tournai vers une allée où de nombreux restaurants se trouvaient. Il s'était remis à pleuvoir des cordes et la sensation de mes pieds sur l'eau était des plus désagréables. Dès que je fus arrivée, je repérai un bistrot en face et traversai la route. À ce moment, une coïncidence improbable, un miracle divin se produisît. Il était en chair et en os à l'arrière d'une limousine, perdu dans ses pensées, la tête contre la fenêtre. Ses cheveux noirs de geais était dorénavant teints en châtain clair au reflet roux, il portait une chemise blanche simple recouverte par une veste à carreaux sur laquelle le logo de Burburry était brodé. Il affichait une moue triste que je ne lui avais jamais connue. Je courrai le plus vite que je pouvais pour le rattraper, plaquai une main contre la vitre. Il me lança un rapide coups d'oeil souffla à une personne quelques mots que je n'arrivai point à saisir. Je me rapprochai un peu plus de la baie et me tint face au tableau le plus térébrant qui soit. Ses lèvres archangéliques était plaquées contre la nuque d'une blondinette qui se mordillait la lèvre inférieur, en orgasme. Qui ne succomberait pas à ce dieu ? Leurs mains entrelacées qui traduisaient une affectation et une attraction palpable m'achevèrent sur place. J'étais censée être son âme soeur, la seule et l'unique...
« Oh Charlie.. Te rappelles tu de l'étoile que tu m'avais désignée étant enfants ? Celle sur laquelle nos initiales étaient gravés côte à côte en l'honneur de notre idylle. Celle que j'avais promis de ne jamais quitter des yeux. Celle qui a veillé sur moi en ton absence. Celle qui a éclairé mon chemin jusqu'à toi. Elle s'effondre.. »

W.R.O.N.GOù les histoires vivent. Découvrez maintenant