Eve

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Eve étouffait. Elle voulait sortir.
Dans ce compartiment, elle se sentit séquestrée. On lui avait attribué une place, en échange de son transport.
Depuis toute petite, elle prenait le train, jamais elle ne s'était sentie aussi horrifiée. Mais elle avait enfin l'âge de penser par elle même, et maintenant, nulle part elle ne se sentait "bien". Elle se considérait à peine comme un humain. Un humain ne fuit pas les autres, un humain ne se sent pas enfermé et menacé quand il est entouré, jusqu'à faire ce qu'elle appelait des "crises de solitude", la peur de toute chose humaine, allant d'un simple plaque de bitume à une avenue. Elle, elle voulait Nature, les feuilles des arbres caressant son crâne, les pousses entravant et étouffant ses pas, la promesse de la roche effleurant le vent.
Eve, au fond, le savait. Elle était bel et bien une sauvageonne dans l'âme. Un village ressemblait à une prison, une ville à un enfer iréel. Là bas, tout était contrôlé, l'entrée, la nature, la sortie, les pas, les maisons.
D'ailleurs, comment se faisait-il que les maisons aient pris une telle allure? Elles étaient immenses, remplies d'objets inutiles. Les humains n'y habitaient que par un ou deux, quatre au maximum. Ils faisaient peur à Ève. Leur mentalité lui était incomprise. Ils incarnaient purement le danger, la peur et la souffrance.
Qui la sauverait? Elle était unique en son genre. Peut-être avait-elle eu une vie antérieure de sauvage, de loup, que sais-je, mais Ève, dans sa tête, était de moins en moins humaine au rythme des jours. De plus en plus, elle avait peur, elle étouffait, elle voulait fuir. Les humains hantaient ses cauchemars les plus sombres; dans ses rêves les plus beaux, ils n'existaient même pas et n'avaient jamais existé.
Une larme perla contre sa peau, ses cils la retinrent.
Le train était bien là, Eve était à l'intérieur.
Encore trois heures avant d'arriver...
Dans son village.
Aucune échappatoire ne s'offrait à elle. Elle allait passer sa vie à pleurer. Aucune solution à ses cris.
Alors Eve, lentement, se leva, ouvrit la porte. La nature était dehors, traversée par les rails. Un vent surnaturel fouetta ses mains, la happa violemment. Elle s'accrocha une dernière fois à son enfer.
Elle serait enfin seule. Pour toujours...
Elle était envahie par un bonheur inexplicable, son cœur battait plus fort, envoyant une chaleur inexplicable dans son corps.

Elle fléchit les genoux, comme elle en avait l'habitude lors de ses nombreuses escapades. Elle savait qu'Elle l'acceuillerait, qu'elle lui ferai une place parmi ses amis. Elle serait enfin à sa place.
Elle devait se concentrer. Ne pas lâcher son but. Le train allait certes vite, mais il suffisait d'un buisson.
Une chance passa.
Une deuxième.
Elle saisit la troisième.
Sauta.
On ne revit plus jamais Eve. Sa disparition fut si naturelle... Elle fut comme...
Évanouie dans la nature.
Non, plus jamais on la revit. La nature était son terrain, sa protectrice, il était inutile de la chercher là où elle était heureuse...

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