il est toujours là, ce pincement...

7 1 0
                                    

Il est toujours là, ce pincement . Il ne part pas, il s'accentue et la plaie enfle. Un petit pincement qui fait tout gonfler, jusqu'à ce que notre cage thoracique implose.



J'adore jouer la méchante, c'est un rôle merveilleux pour moi.

Mais si on considère la situation, je ne suis que la victime, le personnage secondaire dont on oublie le nom et même parfois le visage, dans les films.

Au début, je ne faisais que sourire, heureuse, en le contemplant froncer les sourcils, mordiller son stylo ou éclater de rire comme un petit gamin. C'était juste un ange, immense, éblouissant, enveloppant mon monde de ses grandes ailes, me confortant dans un paradis sans nom. Avoir ne serait-ce que le droit de le contempler ainsi, jour après jour, comblait peu à peu et inconsciemment ce vide que j'avais toujours remué dans tous les sens et tenté de remplir seule. Comme si, pour faire un gâteau, je n'avais qu'un peu d'eau et un saladier...

Il était si sympathique, et l'instant d'après, je voyais le sourire de mon ange s'élargir tandis qu'il répondait à un camarade
"Aha la chatte à ta mère".
Il disait cela comme si il portait un rôle, le rôle qu'avait tous les garçons sans âme de ma classe.
À ce moment là, un air sombre dépeignait le voile de mes yeux tel un lac sombre. C'était certes un gamin... Mais un gamin de la société. Mon monde? Il l'avait brisé. Le sien? Il s'était perdu.

Quelques fois, une espérance plus forte que mon dégoût ressurgissait, comme un micro mal débranché, quand je l'entendais dire "mais Jul c'est nul", ou bien encore quand il me parlait de sa voix à lui, toujours avec ce sourire trop lumineux pour qui que ce soit. Et il était contagieux, d'ailleurs...

Puis il s'en allait, omnibulé par une fille à qui je n'avais rien à reprocher si ce n'était ce même sourire sur ces lèvres parfaites, qui me consumait peu à peu dans des flammes gelées et impitoyables.

J'avais l'impression d'être l'héroïne d'un mauvais roman cliché. Pour au final embrasser le héros, Happy End. Mais je savais pertinemment que cela n'arriverai jamais.
Parce que si un jour cela arrivais, je le tuerai.
Je le tuerai avant qu'il m'effleure.
Je le tuerai avant qu'il ne déverouille ce cadenas qui bloque mes vrais sentiments à longueur de journée.
Je le tuerai avant que l'inverse ne se produise.
Je le tuerai avant qu'il puisse bouger le petit doigt.
Je le tuerai avant que son sourire me consume et ruine tout ce qui me reste d'intégrité mentale.

Si un jour il me voit pleurer, ce sera de la faute de celui qui a carbonisé mon cœur guimauve. C'est celui qui l'aura tout d'abord taquiné, puis éraflé. C'est celui qui, de son sourire obscène, l'aura illuminé au milieu d'une grande arène puis éparpillé en mille déchirures de papier froissé.

À ce moment là, où il verra mes larmes, je sais bien qu'il comprendra qui m'a brisée de la sorte...





Il est toujours là, ce pincement . Il ne part pas, il s'accentue et la plaie enfle. Un petit pincement qui fait tout gonfler, jusqu'à ce que notre cage thoracique implose.

fouillis de textes diversOù les histoires vivent. Découvrez maintenant