Chapitre 2 : Les jumeaux de Normanday

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Plus il s'élevait, plus l'air était vivifiant. Magnus se hissa sans peine sous une pluie d'étamines dispersées par des fleurs démesurées. Le Solal n'avait pas encore asséché la rosée du matin. Suspendu à une liane, un animal à la tête globuleuse l'observait grimper à un arbre. À son approche, une grappe d'oiseaux exotiques aux longs cous prit son envol en virevoltant au-dessus des cimes.

Abondante en nourriture, la jungle tropicale de Beauwood formait une intense palette aux couleurs acidulées. Certains des fruits les plus délicieux de la Nébuleuse étaient cueillis par les humains avec l'aide de rongeurs domestiqués. C'était dans ces contrées que Magnus se sentait le plus libre, quand bien même il se trouvait sur le domaine des bromosorus, des créatures résidant près des cours d'eau dans des terriers de caillasses. Ces larges mammifères aux écailles pointues tuaient pour le plaisir, ce qui les rendait fort peu sympathiques au regard des humains avec lesquels il leur fallait cohabiter.

Apprenti cueilleur, Magnus Dangélo vivait dans le village de Normanday de la cité de Jhopri. À tout juste quinze ans, il possédait de grandes qualités d'agilité et d'adresse, des atouts indispensables pour se mouvoir dans les entrailles de la jungle. Passant le plus clair de son temps en plein air, sa peau avait doré et ses cheveux châtains s'étaient éclaircis. Si son physique souffrait d'être commun et trop anguleux, il avait hérité de sa mère d'une bouche encadrée de fossettes profondes et d'yeux noisette. Comme tous les membres de sa famille, il arborait un tatouage. Le sien était une ligne noire démarrant sous son menton et s'arrêtant sur sa lèvre inférieure.

Si tout se déroulait comme prévu, dans un mois, il recevrait son brevet de novice et épinglerait l'insigne des cueilleurs sur son bel uniforme beige. Concernant son avenir, il n'imaginait rien de plus qu'une vie paisible dans une ferme d'élevage. À ses côtés, il rêvait d'une fille aussi pétillante et bravache que la charmante Sirty Edrenne en formation dans la même académie que lui pour devenir chasseuse. Ne restait plus qu'à trouver le moment propice pour l'aborder, ce qui risquait de prendre du temps étant donné sa timidité. Les bromosorus l'effrayaient moins que de lui parler.

Magnus décrocha un fruit mûr qu'il essuya négligemment sur son pantalon. Il s'apprêtait à n'en faire qu'une bouchée lorsqu'une profonde détresse s'empara de lui. Troublé par cette sensation aussi subite qu'intense, il se concentra mentalement sur Cassandre et sentit immédiatement une peur panique l'étreindre. Certain que sa sœur courait un danger imminent, Magnus manqua de défaillir.

Depuis leur plus jeune âge, leur gémellité leur permettait de ressentir les émotions de chacun à distance. Enfants, ils se ressemblaient de façon si frappante que seuls leurs parents les distinguaient. Si proches dans leurs traits, mais si différents dans leurs tempéraments. Lui était combatif et terre à terre, elle, une rêveuse douce et étourdie.

Un cri animal interféra dans sa concentration. Magnus s'assura qu'aucune menace ne pesait sur lui avant de se focaliser sur Cassandre.

Elle souffrait physiquement. Peut-être était-elle bloquée ou coincée quelque part ?

Elle se débattait. Quelqu'un lui voulait-il du mal ?

Magnus laissa tomber le fruit de sa main et fouilla dans sa besace en espérant y trouver son Réceptor.

— Cervelle de Piaf ! jura-t-il contre lui-même.

Il l'avait oublié sur son bureau et ne pouvait donc contacter personne.

Inquiet pour sa jumelle, Magnus décida de partir à sa recherche. Un accident était vite arrivé, alors malgré l'urgence, il descendit prudemment de l'arbre dans lequel il était perché.

La Nébuleuse d'HéraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant