La Nébuleuse d'Héra

Chapitre 9 : Leçon d'histoire

Pour célébrer son retour, Kendalh était conviée chez ses parents dans l'un des quartiers les plus prisés de la City où seraient également présents de prestigieux invités de la GENEK. La circonstance imposait qu'elle fasse un effort de coquetterie. Elle s'était donc maquillée discrètement et coiffée de deux tresses filant vers un chignon bas. Contrainte de porter l'uniforme jusqu'à son arrivée sur Héra, elle avait prévu une robe de cocktail en strass qu'elle enfilerait plus tard.

Ravie de l'énorme cargaison de fossiles qu'elle rapportait sur Héra, Kendalh embarqua à bord du vaisseau ARGOS 1980, un modèle qui commençait à dater, mais qui avait largement prouvé sa fiabilité. Sa silhouette massive ne trompait d'ailleurs pas quant à la nature plus pratique qu'esthétique de sa fonction. Kendalh retrouva Mé-Boh qui avait obtenu l'autorisation de l'accompagner. Seuls passagers pour ce vol long-courrier, ils jouiraient pour l'occasion d'un siège en première classe. En constatant que cela n'avait rien d'un carré VIP, ils imaginèrent l'état de délabrement de la seconde classe. L'hologramme d'un steward leur rappela succinctement les règles de sécurité. Assis l'un à côté de l'autre, les amis fixèrent comme il convient leur ceinture. Devant eux se trouvait le poste de pilotage. Le commandant et son équipage ne prirent cependant pas la peine de venir les saluer.

Le voyage allait durer sept heures. Kendalh eut un pincement au cœur à l'idée de quitter le système solaire. Elle avait hâte de revoir son ancien professeur de clonage : Scenti Gustavio Marsou. Il l'attendait notamment pour redonner vie à différents spécimens de papillons. Kendalh était certaine que les siens adoreraient ces insectes aux couleurs chatoyantes arborant des yeux fardés sur leurs ailes. Elle se souvint du succès modéré qu'avait engendré le clonage du perroquet. Particulièrement après les avoir modifiés pour qu'ils puissent utiliser un vocabulaire de trois cents mots et chanter juste. Leur bavardage incessant avait très vite exténué leurs propriétaires qui étaient revenus à des animaux domestiques moins envahissants. C'était sans compter toutes les espèces nées de l'imagination de généticiens aussi créatifs qu'extravagants : les chimères. Il était parfois facile de s'y perdre. Kendalh possédait l'encyclopédie de la faune et de la flore, un programme conçu pour les scientifiques qui existait en version simplifiée pour le grand public.

Après s'être goinfré de collations servies par un robot grinçant autant que leurs sièges, Mé-Boh se laissa séduire par une sieste. Par les hublots, aucun autre vaisseau en vue. Un noir quasi absolu régnait. Avant d'imiter son ami, Kendalh écouta dans sa tête les dernières nouvelles via la radio de son Processor.

— Chères auditrices, chers auditeurs, bonsoir ! Tout d'abord un heureux événement, puisque Giry Urdilasa, fille de la députée du même nom, s'est unie à Audreye Svolof, fille du ministre Darimore. Tous nos vœux de bonheur au jeune couple.

Les arrangements entre célébrités l'ennuyaient plus encore qu'une compétition de marletball. Kendalh passa à l'information suivante.

— Un drame terrible dans la zone 8. Un garçonnet de trois ans a trouvé la mort. Un relâchement de surveillance de son père a suffi pour qu'il fasse une chute de trente-trois mètres en tombant du balcon. La thèse de l'accident a été confirmée, néanmoins des poursuites vont être lancées contre les parents pour négligence. L'experte de police responsable du dossier nous assure que...

Kendalh repensa aux premières années de sa vie passées en compagnie d'un androïde faisant office de nounou. Il l'avait élevée et accompagnée durant sa petite enfance. Puis elle avait suivi sa scolarité à la maison avec un professeur privé, un homme dont l'autoritarisme et la froideur avaient laissé des séquelles. Ce ne fut qu'à l'âge de dix ans qu'elle avait pu faire son entrée à l'école. L'adaptation s'était avérée difficile. Souvent à l'écart, elle s'était fait peu d'amis. Élève douée et assidue, on lui avait reproché de se montrer hautaine, ce qui n'était qu'une façade pour cacher sa timidité.