8. Pas de repos pour les braves

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Thème de janvier 2018 : Panser

Quand Lohan passa discrètement la porte arrière donnant sur les cuisines du repère de l'Organisation, ses pensées n'étaient dirigées que vers un seul but : prendre un repas copieux, un bon bain, puis aller se reposer. Ses vêtements couverts de poussières et de sang coagulé laissaient derrière elle des fragments de sa dernière mission. Les ordres d'exécution d'anciens agents ayant été condamnés à mort la laissait toujours à la fois lasse et éreintée.

Elle s'arrêta au centre de ce lieu venu tout droit d'un autre âge et s'étira langoureusement, déliant ses épaules trop nerveuses dans un geste d'une indolence féline. Elle retira sa paire de lunette de soudure qui se perdait entre ses mèches brunes et décoiffa un peu plus ses cheveux noirs de jais qui s'ébouriffaient en pointes agressive autour de ton visage. Finalement, la jeune femme avisa le feu qui brûlait dans son âtre, tira une des chaises de la grande table qui trônait en maîtresse dans la pièce, déposa ses armes au pied du foyer surélevé des flammes et s'installa lourdement sur son siège.

Lohan, la vingtaine bien entamée, laissa la chaleur la réchauffer alors que des reflets rougeoyants venaient ramper sur son visage. La jeune femme avait une face rieuse et un peu ronde dont les yeux facétieux et le nez mutin venaient compléter une bouche enfantine qui se courbait souvent en un sourire espiègle. Tout chez Lohan dénonçait une malice d'enfant dont elle jouait sans hésiter afin que ses adversaires la sous-estiment. Cependant, derrière ses yeux aussi dorés que ceux d'un loup, se dissimulait un agent haut gradé aussi efficace que téméraire, et que l'expérience au combat ne rendait que plus dangereuse encore.

La jeune femme se bascula légèrement en arrière et posa ses pieds qu'elle n'avait pas déchaussés sur la pierre chaude. Fatiguée, tendue et lasse, elle ne se souciait guère que ses grosses chaussures puissent prendre feu. La jeune fille n'avait pas dormi depuis longtemps et elle finit par s'assoupir en attendant que le Chef vienne lui préparer de quoi se sustenter. Elle ne connaissait pas son vrai nom, alors en tant que cuisinier en chef, elle le nommait par sa fonction comme tout le monde, ce qui ne semblait pas le toucher plus que ça.

Ce dernier était un personnage caractériel et haut en couleur qui avait formellement interdit à quiconque qui ne travaillait pas dans les cuisines de s'approcher de ses ustensiles ou de la réserve depuis que quelques nouvelles recrues avaient bien manqué de déclencher un incendie dans son antre. Tous ceux qui ne pouvaient pas assister aux repas devaient donc se résigner à attendre que quelqu'un vienne leur préparer de quoi manger.

Lohan aurait pu se contenter de désobéir comme elle le faisait souvent mais elle appréciait le Chef et ne désirait pas le contrarier. Alors à chaque fois qu'elle rentrait tard, elle avait pris l'habitude de s'installer devant le feu qui brûlait sans discontinuer pour attendre le cuisinier qui avait fini par devenir son ami.

Ce fut le bruit de la porte claquant violemment contre le mur qui la réveilla en sursaut. Elle lança un regard outré au jeune commis qui venait manifestement de se précipiter dans la pièce dans un but qu'elle ne connaissait pas. Les yeux affolés et le souffle court du jeune homme l'alerta et c'est en fronçant les sourcils qu'elle reposa au sol ses pieds encore sur la pierre du foyer. L'agent posa distraitement les poings sur les genoux et se pencha en avant alors que celui qui avait perturbé son sommeil avalait goulûment l'air en tentant de reprendre contenance.

— Du calme... marmonna-t-elle en claquant sa langue contre son palais, agacée. Prend ton temps et dis-moi ce qui ne va pas.

Son vis-à-vis prit quelques secondes pour calmer sa respiration avant de pouvoir parler. Un seul mot franchit ses lèvres gercées. « Kenegan ». Les yeux de Lohan s'agrandirent de stupeur avant que les paupières ne les dissimulent avec un froncement de sourcils qui barra le front de la jeune fille d'une ride contrariée. Comment avait-elle pu négliger la date d'aujourd'hui ? Elle se maudit intérieurement pour son imprudence en se mordant la lèvre. Toute occupée par la mission qu'elle avait achevé dans la soirée, elle avait passé outre cette journée particulière.

Un mois, une histoire [recueil d'OS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant