Un mois, une histoire [recueil d'OS]

7. Solitude

    Thème de décembre 2017 : theme song - Snowfall de Kai Engel

Le bruit feutré que faisaient ses pas sur la neige rythmait sa marche. Autour d'elle, la ville à l'abandon semblait murée dans un silence éternel. La jeune fille s'arrêta quelques minutes pour aller fouiller rapidement une petite superette qu'elle avait aperçue de sa cachette de la nuit dernière ; elle allait bientôt commencer à manquer de vivres.

     Elodie était à peine une adolescente quand l'invasion avait commencé. Elle se rappelait sans mal ces milliers de vaisseaux dans le ciel de la Terre mais surtout le feu, la détresse, les cris, les larmes et le sang. Les humains n'étaient pas préparés à un tel raid mais ils avaient essayé tant bien que mal de se défendre, de sauver leur planète, leur seule maison. Ils avaient réussi à les repousser, mais ce n'était que reporter à plus tard un mal qui reviendrait.

    Les villes avaient été évacuées sous la direction de l'armée. La famille d'Elodie avait été déportée dans un camp, puis un autre, puis un autre. Il leur avait semblé qu'ils s'éloignaient sans fin de leur foyer. Malgré la vigilance des forces armées, un soir, dans la nuit noire comme de l'encre, ils avaient été attaqués. Sous le vacarme des rafales hurlantes des mitraillettes et des balles perdues, ils avaient dû fuir, abandonnant le peu qu'ils possédaient derrière eux.

La jeune fille se souvenait de ces jours d'errance, à ne pas savoir ce qu'il adviendrait d'eux. C'était il y a maintenant deux ou trois ans, le temps avait perdu de sa notion pour la jeune terrienne. Son père et son frère étaient décédés le premier hiver qu'ils avaient dû passer dehors ; emportés par la maladie. Sa mère les avait rejoints un peu plus d'un an plus tard suite à une chute fatale. Elodie avait essayé de la sauver mais ses blessures étaient trop graves et elle avait dû se résigner à achever ses souffrances.

Depuis, elle était seule. Les autres humains qu'elle avait eu la chance d'apercevoir était en train de se faire acheminer dans les larges vaisseaux bétaillères de leurs envahisseurs, prisonniers. C'est à ces mêmes occasions qu'elle avait pu découvrir de loin l'apparence des extraterrestres : humanoïdes, tentaculaires, terrifiants.

La Terre avait été ravagée... Laissée à l'abandon. Les humains avaient perfectionné leur armement en s'inspirant de celui de leurs envahisseurs avec une incroyable capacité d'adaptation. C'est ainsi qu'ils avaient pu résister d'aussi longues années. Malheureusement, il n'y avait presque plus personne pour prendre soin de leur planète et les civils ne faisaient que continuer à mourir un par un, alors que la guerre se transformait en un siège. La jeune fille ne savait pas comment elle pouvait être encore vivante après tout ce temps sans personne d'autre qu'elle. Elle avait eu de la chance. Uniquement de la chance. Peut-être que quelqu'un, là-haut, ne souhaitait pas la voir mourir tout de suite.

Elodie soupira, elle était esseulée depuis trop longtemps et la solitude l'étreignait de plus en plus souvent comme une seconde peau qui ne voulait plus la quitter alors que ces mauvais souvenirs remontaient de plus en plus souvent à la surface de son esprit. Elle frotta ses mains l'une contre l'autre : le temps se refroidissait de plus en plus. La neige tenait maintenant depuis plusieurs jours sur le sol et son souffle se voyait quand elle respirait, comme une bannière flottant au vent. Les températures ne cessaient de descendre et elle devrait bientôt se trouver un endroit pour passer l'hiver si elle ne voulait pas finir par mourir de froid.

La jeune fille regarda le ciel : il lui restait encore quelques jours, quelques semaines si elle avait de la chance, avant qu'elle ne soit obligée d'établir un campement pour les mois les plus froids. Ses yeux s'attardèrent entre les nuages qui avaient pris possession des cieux : il allait neiger d'ici peu. Elle réajusta son sac sur son épaule, les boites de conserve qu'elle venait de trouver pesaient lourd mais elle avait maintenant de quoi se sustenter durant quelques jours de plus.