12. Fugace intervalle

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Thème de mai 2018 : Charogne

Trois coups résonnèrent dans la petite pièce. La personne déjà présente et occupée à se déchausser cria à son visiteur d'entrer mais pas un son ne se fit entendre de l'autre côté de la porte. Elle poussa un juron en envoyant voler sa botte, dont elle venait enfin de se débarrasser, dans un coin de la chambre. La jeune femme fronça les sourcils. Il ne pouvait pas y avoir d'erreur sur celui qui attendait derrière le panneau de bois, seuls eux deux connaissaient cet endroit. Jetant un œil aux paramètres, la brune vérifia que la pièce était toujours bien cachée entre deux secondes. Après quoi, elle saisi son revolver qu'elle avait posé sur la commode au cas où son invité n'aurait pas des intentions très pacifiques à son égard, puis elle alla entrebâiller la porte.

Son regard se posa immédiatement sur la personne au port altier qui lui faisait face et elle ouvrit le passage. Son ami était là, son grand corps décharné prenait toute la place dans l'encadrement de la porte. Elle lui trouva une mine affreuse. Son uniforme avait bien besoin d'être changé ; en effet, en plus d'être couvert de sang caillé, le vêtement était déchiré. La jeune femme porta une main hésitante à la tempe de celui qui se tenait devant elle. Ses cheveux ébouriffés étaient rêches à cause de la sueur, de la poussière et du sang coagulé qui se perdaient entre les mèches rebelles. Son visage était creusé de fatigue : les grosses cernes violettes qui venaient colorer le dessous de ses yeux clairs faisaient partie des témoins qui indiquaient qu'il n'avait probablement pas dormi depuis un moment.

Sur son visage émacié, l'hémoglobine et la crasse se disputaient le terrain tandis que ses yeux trop secs la sondaient sans la voir. Son regard l'alarma particulièrement. Il semblait perdu. Perdu dans un monde qui ne lui correspondait plus. Perdu dans la cruauté de la vie. Coincé dans un corps qui ne lui appartenait qu'à moitié. Elle devina sans mal qu'il venait tout juste de terminer une mission et que cette dernière s'était probablement très mal passée pour qu'il ressente le besoin de venir la voir sans avoir prit la peine de se décrasser.

Quand les pupilles du jeune homme se figèrent sur elle, celui-ci se sentit terriblement triste. Il était las, vidé, cassé, brisé. Il était fatigué. Fatigué du monde, fatigué de la vie. Alors il resta là, sans bouger sur le palier, tel une silhouette fantomatique. Il n'esquissa pas un mouvement, se contentant de pousser un profond soupir à fendre l'âme tant il reflétait son désespoir. Il n'était plus rien qu'une coquille vide sans volonté. A quoi bon ? Il se sentait mort. Mort de l'intérieur. Vieille charogne pourrissant sous les remords.

La jeune femme déposa son arme rapidement sans pouvoir détacher ses prunelles de la grande carcasse qui attendait sur le seuil sans un mot. Doucement, elle tendit les doigts devant elle pour attraper délicatement les larges mains sans volonté de son ami. Il fixa sur elle un regard empli de tristesse qui l'implorait de le sauver. Alors, comme on guide un enfant perdu et effrayé, elle le fit entrer à sa suite avant de refermer la porte derrière eux. Il la suivit sans rien dire, se laissant guider jusqu'à la petite salle de bain adjacente à la chambre.

Délicatement, comme s'il pouvait se briser si elle se montrait trop brusque, la jeune femme fit glisser sa veste sur ses épaules. Elle tomba au sol avec un son mat qui couvrit momentanément le bruit de l'eau qui coulait. Son compagnon observait les gestes aériens de la brune, se contentant de parler avec son corps, avec son attitude. « Merci ». Voilà ce que murmuraient ses épaules légèrement voutées en avant et sa tête qui suivait lentement les mouvements de la jeune femme, les lèvres légèrement entrouvertes. Des frissons parcourraient son épiderme, comme s'il se retenait d'enlacer celle qui prenait soin de lui comme on prend soin d'un enfant malade.

Elle fit passer son T-shirt noir par-dessus ses cheveux barbouillés de crasse et sourcilla. Sur son torse musclé par l'exercice, de nouvelles plaies venaient couturer l'épiderme déjà recouvert de cicatrices du jeune homme. La brune grimaça. Elle termina de le déshabiller et fit pénétrer son ami dans la baignoire, l'eau de la douche qu'elle venait d'allumer la mouillant allègrement. Elle le fit asseoir sous le jet chaud : la priorité était de le laver et de le faire se reconnecter avec la réalité ; ses blessures, bien qu'impressionnantes, n'étaient pas graves et elles pouvaient attendre un moment avant que la jeune femme ne s'en charge.

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⏰ Dernière mise à jour : May 01, 2019 ⏰

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Un mois, une histoire [recueil d'OS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant