Chef ! (fin chap 3)

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Je la sens se retourner et s'approcher. Sa main se pose sur le saladier et plus rien ne bouge. Je suis concentrée sur la découpe des aubergines. Je fais naturellement et rapidement des cubes pas trop gros, parfaitement calibrés. Alors que je termine et que je cherche à réserver les cubes pour passer aux courgettes, je prends conscience de l'attitude d'Angie. Elle est restée figée, la main sur le saladier, et elle me regarde... bizarrement. Comme si j'avais fait une grosse bêtise. Vu qu'elle ne dit rien, je prends les devants :

— Quelque chose ne va pas ?

— Comment tu as fait ?

— Fait quoi ?

— Le découpage des oignons... et des aubergines.

— Ben... Avec le couteau.

Sa perplexité n'a d'égale que la mienne. Je ne comprends pas où est le problème.

— Tu voulais que je découpe autrement ?

— Non. Mais, Jordan...

— Mais quoi ?

— Tu te rends pas compte. Tu aurais dû mettre bien plus de temps. Tu ne le fais jamais. Tu dis que tu ne sais pas faire. Et là, tu me découpes ça comme une professionnelle !

— Ah...

Je reste interdite. Je n'ai pas réfléchi. Je regarde le couteau dans ma main et il me semble un outil familier. Puis les oignons, les aubergines... Et c'est vrai que la découpe est belle. Inutile de la perturber plus, je reprends :

— Bon, ben c'est cool ! On va pas se prendre la tête, tu as gagné un second de cuisine.

Je m'occupe des courgettes. Elle me regarde incrédule mais finit par s'occuper de la cuisson de son côté. Je fais attention à la façon dont je découpe les courgettes : avec précision, avec rapidité... comme si j'avais fait ça toute ma vie. Je n'ai pas de souvenirs précis, mais je suis sûre d'avoir déjà fait ça. J'ai la mémoire des gestes. Après les courgettes, je m'occupe des tomates. Du coin de l'œil, je vois Angie s'occuper de l'ail et me jeter des coups d'œil fréquents.

La ratatouille finit par mijoter tranquillement. On entend un léger bouillonnement dans la marmite, tellement le silence autour est assourdissant. Je vois bien qu'Angie est toujours perturbée par cette histoire. Moi beaucoup moins. Ces instants m'ont apaisée. Vu qu'elle est perdue dans ses pensées, je cherche le poulet dans le frigidaire. Je trouve un filet, il va falloir le découper. Angie sort enfin de sa léthargie et me prend la barquette des mains. Un léger effleurement de ses doigts sur les miens accélère mon rythme cardiaque. Je cherche sur son visage un écho à mon trouble. Mais elle fixe la volaille d'un air presque dégoûtée. Comme en apnée, elle ouvre le film plastique et prend le filet entre le pouce et l'index, complètement écœurée. Il atterrit sur la planche comme balancé, pas du tout délicatement. 

Je l'écarte doucement du plan de travail pour prendre sa place devant la planche. Un soupir de soulagement lui échappe, le temps que je récupère un couteau adapté. En deux temps, trois mouvements, je nous ai découpé deux belles escalopes. Je me fais l'impression d'une virtuose avec mes couteaux. Cette fois, c'est de l'admiration que me renvoie le bleu de ses yeux. Du soulagement aussi ! Complice cette fois, je dépose mes escalopes dans la poêle, à présent chaude. Elle s'occupe de la ratatouille un instant. Un œil dans le contenant me confirme qu'elle est presque prête.

J'ai des idées de recettes plein la tête maintenant. Mais je vais la jouer cool pour ce soir. Inutile de perturber ma belle plus que nécessaire.

La roue du destin - Coma !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant