Maison de Jordan.
Je m'allonge précautionneusement de mon côté du lit en veillant bien à ne pas empiéter sur la ligne médiane. Je ne tiens pas à ce qu'elle imagine un quelconque rapprochement. J'ai une furieuse envie de m'enfuir, d'oublier tout ça. Je reste sur le dos, les yeux au plafond alors qu'elle éteint la lumière. Je sais qu'elle est allongée sur le côté et qu'elle me regarde. J'entends sa respiration légère. Je ferme les yeux et je ne peux m'empêcher de poser la question qui me brûle les lèvres :
— Pourquoi tu es restée la première fois ?
— Une fois la colère passée, quand tu as vu dans quel état j'étais, tu étais dévastée. Tu ne comprenais pas comment tu avais pu déraper à ce point. J'ai pensé que cela n'arriverait plus. Je t'ai convaincue, tu voulais partir. Renoncer à ta vie. Tu étais tellement mal que tu t'es persuadée que tu ne méritais pas de vivre ta vie mais plutôt accepter celle que ta mère avait planifiée pour toi.
— Comment tu m'as convaincue ?
— Je t'ai dit que tu ne pourrais jamais recommencer.
— Tu t'es trompée.
— Oui. Mais, la deuxième fois, tu étais ivre. Je ne sais pas pourquoi. Tu revenais de chez ta mère mais ce n'est pas chez elle que tu as bu.
— Je n'ai pas supporté ces réflexions incessantes. Et encore moins la dernière : « Ton pauvre père va se retourner dans sa tombe ! ». Là, j'ai compris : il n'était plus là pour qu'elle lui pourrisse la vie, j'étais devenue son bouc émissaire. Et ce serait ainsi jusqu'à sa mort... ou la mienne. J'ai bu pour oublier ça. Et quand tu m'as demandé pourquoi j'avais bu... ce n'est pas toi mais elle que j'ai vue en face de moi, elle et ses récriminations incessantes.
— Je ne savais pas tout ça. Tu n'en as jamais parlé.
— Cela ne change rien à ce que j'ai fait. Je t'ai fait du mal, Angie. Physiquement. Et j'ai recommencé. Et tu ne peux pas être sûre que cela n'arrivera plus.
— Tu as raison, je ne peux pas être sûre. Et c'est pour ça que j'ai rompu au deuxième incident.
— Je vais partir, c'est mieux comme ça.
Je reste interdite quand elle se colle à moi, après ce que je viens de lui dire. Sa tête sur mon épaule, sa main sur ma taille, me donnent une furieuse envie de la serrer contre moi.
— Tu ne peux pas partir, Jordan.
— Pourquoi ça ?
— Parce que j'ai attendu très longtemps celle que tu es enfin aujourd'hui et tu n'as pas le droit de me priver de mon bonheur. De notre bonheur.
Je reste sans voix. Elle resserre sa prise sur ma hanche et s'endort rapidement. Comment peut-elle s'endormir près de moi en toute confiance ? Cela me dépasse. Comment peut-elle ne pas m'en vouloir de ce que je lui ai fait subir ? Comment peut-elle toujours m'aimer ? Elle ne serait pas là si elle ne m'aimait plus.
Dois-je faire table rase comme elle et me tourner uniquement vers le futur ? En toute honnêteté, je l'ai toujours aimée, et plus encore aujourd'hui. Elle est ma femme parfaite. Au-delà de l'attirance physique, tout ce qu'elle est me fait chavirer. Je me rappelle qu'elle ne m'a jamais jugée, elle m'a toujours acceptée comme j'étais. Et elle est bien la seule ! Je chasse de mon esprit les images parasites qui s'imposent à moi : ma mère, mon associé, mes collègues...
Alors quoi ? On oublie tout et on repart de zéro ? Ce serait le plus simple. C'est ce qu'elle veut. C'est plus que tentant pour moi aussi et je lierai ma vie à la sienne sans hésiter si je ne traînais pas ce passé comme un boulet. Encore... le passé je pourrais l'accepter et me promettre de me racheter. Mais je ne peux occulter le nœud du problème : et si je recommence ? Je sais que je suis toujours capable de violence. Je l'ai prouvé, malheureusement.
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La roue du destin - Coma !
Ficción GeneralIl paraît que je m'appelle Jordan. Je suis sortie du coma sans aucun souvenir. Mon cerveau et mon corps sont en bon état mais je ne sais pas qui je suis. Je vais devoir interagir avec des personnes que je ne connais pas : collègues, connaissances...