Coma 3

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Après une petite demi-heure de discussion, le bouillon annoncé arrive enfin. Je ne dirais pas que j'ai faim mais c'est mon sésame pour la sortie. Enfin... le début de mon sésame !

Je le bois lentement, une petite gorgée, tout en jetant des regards discrets sur Angelina. Elle n'est vraiment pas bavarde. Et j'ai l'impression que moi non plus. Elle dégage beaucoup de douceur. Son prénom lui va bien. C'est une belle femme : elle a des traits fins et réguliers. Mais elle ne sourit pas beaucoup, elle est sans doute trop stressée pour ça. Il faut que j'évite de lui communiquer mes angoisses. Enfin, angoisse, c'est beaucoup dire. Si je réfléchis bien, je suis un peu inquiète mais sans plus. J'ai juste envie de sortir de là. Opération bouillon terminée. C'était court, j'aurais bien enchaîné par du consistant. Angelina vient récupérer le bol dans mes mains et ses doigts effleurent les miens. Elle fait mine de rien mais j'ai senti son hésitation d'une microseconde. Je relève les yeux sur son visage et je vois qu'elle a rougi légèrement. J'adore ça la faire rougir, je crois.

Bon, on va passer aux choses sérieuses. J'ouvre le drap côté perfusion et je découvre que je suis en blouse d'hôpital. Mince ! Pour me lever, c'est pas pratique. En général, on se retrouve les fesses à l'air, non ? Je commence à bouger lentement et m'asseoir dans le lit quand Angelina se précipite vers moi :

– Qu'est-ce que tu fais ?

– Je me lève ?

– Non. C'est pas prudent. Il vaut mieux attendre l'infirmière.

– Elle doit être occupée, hein. Il vaut mieux qu'elle s'occupe de ses patients.

– Ah ? Et toi tu es quoi ?

Je la regarde un instant. Bon, techniquement, elle a raison. Mais je ne me sens pas malade, juste un peu fatiguée.

– Une warrior ?

– Jordan !

– Relax, Angie ! Je ne vais pas faire un marathon. Juste me lever.

– Et si tu tombes ?

– D'abord, je ne tombe pas. Ensuite, tu es là.

Ma mauvaise foi la laisse bouche bée. J'en profite pour déplacer mes jambes en dehors du drap puis du lit. Me voilà prête à me relever. Mes pieds ne touchant pas le sol, Angie prend la télécommande et abaisse le lit. Ah, c'est mieux ! Ceci dit, j'ai l'impression que mes jambes pèsent une tonne. Je cherche un appui pour me relever et me stabiliser mais je n'ai rien à proximité. Angie prend ma main et la pose sur son épaule. Oui, c'est une idée. Je perçois la chaleur de sa peau sous le chemisier. Bon, se lever, ce n'est finalement pas si facile que ça. D'après le médecin, ça fait quinze jours que je comate. J'ai, semble-t-il, perdu des forces. Je me redresse enfin et c'est un effort qui me semble violent. Mes jambes flageolent et Angie se rapproche de moi. Son corps équilibre le mien.

J'ai l'impression d'avoir une chape de plomb sur les épaules. Ma respiration est courte. J'essaie de respirer plus lentement. Je prends lentement conscience de la main d'Angelina posée sur ma hanche. Elle est plus grande que moi d'une tête. Elle sent le caramel et la vanille. Je lui désigne le fauteuil à deux mètres et nous avançons pas à pas. Au fur et à mesure, je sens mes jambes à la fois plus assurées et plus fatiguées. Je me laisse tomber dans le fauteuil et j'ai l'impression d'avoir accompli un exploit. Je relève la tête et je vois l'expression un peu paniquée de ma complice. Alors que je lui souris, elle confirme :

– On n'aurait pas dû faire ça sans une infirmière.

– Je suis patiente, normalement ?

– Euh... Non.

– CQFD.

– Comment tu te sens ?

– En plein forme. Donne-moi cinq minutes et on sort d'ici.

– Tu n'es pas sérieuse ?

Là, elle est vraiment paniquée. Soit je suis quelqu'un d'irresponsable, soit elle pense que le coup sur la tête m'a dérangé l'esprit.

– Bon, d'accord, dix minutes, alors ? Détends-toi, ma belle ! Je vois bien que je ne suis pas en état.

– D'accord. Je préfère ça.

– Je me pose une question.

Elle me regarde complètement stressée à nouveau. Je ne capte pas trop le pourquoi de ses changements d'humeur à chaque fois. Je remarque qu'elle ne me relance pas.

– Le médecin m'a dit que j'ai eu un accident de moto et que je n'avais pas mon casque. Cela me semble aberrant. Je n'ai pas l'habitude d'en mettre un ?

– Si.

– Pourquoi je ne l'avais pas ?

Debout à côté de moi, elle se pince la lèvre et semble plus que mal à l'aise. Je prends sa main et la caresse de mon pouce pour l'encourager. Son regard accroche le mien et j'y vois de la douleur. De la crainte aussi.

– Ne crains rien et dis-moi, Angie. J'ai besoin de savoir.

– C'est de ma faute. On s'est disputées.

– Quoi qu'il se soit passé, ce n'est pas ta faute. C'est moi qui suis partie sans casque.

Elle a des larmes plein les yeux mais les retient. J'ai l'impression qu'un détail m'échappe. Ah, oui c'est vrai ! C'est juste ma mémoire qui m'échappe. Un détail, effectivement !

La roue du destin - Coma !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant