Courir. Galoper. Voler.
J'avais l'impression de ressentir tout cela. De le vivre au plus profond de mon être. Chaque fibre de mon organisme tressautait et semblait respirer toute en chantant la joie de vivre qui brûlait en moi. Mon cœur battait à tout rompre et me semblait résonner dans toute la forêt dans laquelle je courrais. Mes sens étaient décuplés comme jamais. Je voyais, sentais, et entendait absolument tout. Les battements d'ailes d'un oiseau dans les arbres, les craquements des brindilles sous les sabots d'un sanglier, l'éclair châtain furtif du pelage d'un lièvre fuyant mon chemin et même la légère odeur de moisi des champignons qui fleurissaient sur le tronc brun des arbres. Ceux-ci défilaient à toute vitesse autour de moi, tellement qu'ils ne formaient que de vagues tâches vertes et brunes bordant mon chemin tandis que je fendais l'air humide et parfumé de la forêt qui ne semblait n'avoir aucune fin pour moi.
Et je n'en demandais pas moins. Je voulais que la sensation fabuleuse qui m'étreignait ne disparaisse jamais, que je puisse continuer à courir ainsi pendant une éternité et ce, malgré mes poumons en feu et ma gorge en fusion. Chaque inspiration me faisait souffrir, mais d'un autre côté, je ne m'étais jamais senti aussi pleinement vivante.
Le paysage autour de moins commença à défiler moins vite, signe que je ralentissais. C'était parfaitement compréhensible, je courrais depuis tellement longtemps, mon corps commençait à fatiguer et à atteindre ses limites, mais pourtant j'accélérais encore. Je voulais que cette sensation grisante persiste pour toujours. Et même si je savais que c'était impossible (tout être vivant à ses propres limites), je voulais au moins la faire perdurer le longtemps possible. C'est pourquoi, malgré la brûlure de l'air dans ma gorge, je continuais ma course folle entre les broussailles et les fougères qui s'écartaient sur mon passage. J'étais libre. Aussi insaisissable et inarrêtable que l'air.
Je sentais mes larges pattes s'enfoncer dans le sol meuble et humide de la forêt. Le vent sifflait à mes oreilles, et je le sentais s'engouffrer dans ma belle fourrure d'un noir bleu nuit. Des feuilles se prenaient de temps en temps dans mes beaux poils longs et soyeux mais elles étaient vites chassés par le souffle de ma course effrénée.
Je courrais librement mais aussi désespérément. Je poursuivais quelqu'un. C'était absolument vital pour moi de retrouver cette personne. Ou plutôt ces personnes. Je les entendais m'appeler. Me dire de les rejoindre. Au fur et à mesure que je courrais, je les entendais plus distinctement, elles se rapprochaient. Ou plutôt, je me rapprochais d'elles. J'allais enfin les retrouver. D'innombrables mots réconfortants tournaient en boucle dans mon esprit comme une berceuse rassurante.
Clan.
Famille.
Amis.
Frères
Sœurs
Amour.
Tout cela m'attendait au bout de ma course. C'était mon Saint Graal personnel, mon unique objectif. Le besoin que je ressentais de les rejoindre était si fort que j'avais l'impression qu'il battait dans mes veines.
Puis, une odeur familière vint tendrement me chatouiller les narines, faisant redoubler mes battements de cœur. Une délicate senteur d'herbe humide de rosée et d'effluves de sapin. Je connaissais cette odeur, j'en étais certaine mais j'étais incapable de mettre un nom sur la personne à laquelle elle appartenait. Ni même un visage. Mais cela n'avait pas d'importance puisque bientôt, je pourrais la voir, lui parler, la renifler, jouer avec elle. Mon instinct tressautait à l'intérieur de moi, hurlait de rejoindre mes semblables et de ne jamais les quitter. Rester dans le Clan à tout jamais et se protéger les uns les autres. Au loin, je vis les arbres devenir plus espacés, signe que j'arrivais dans une clairière naturelle. Ils étaient là, c'était le lieu du rendez-vous tant attendu.
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Transformation
ParanormalAprès la mort de sa mère, Faye se retrouve seule et livrée à elle-même. Pour échapper à la famille d'accueil, elle s'enfuit au Canada et s'installe dans l'ancienne maison de son grand-père décédé dans la petite ville de White Fang . Étonnamment, el...