Frissons

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Je marchai, ou plutôt non...je courrais derrière Kaleb qui marchait à une cadence presque militaire alors que moi, je galopai péniblement derrière lui. En plus, il portait un sac rempli de draps à la propreté douteuse, que j'avais à peine réussi à soulever sur quelques mètres, comme s'il ne pesait rien. Moi qui avait failli me démettre une épaule en essayant de le hisser sur celle-ci, je me sentais un peu ridicule en le voyant. Je n'étais pourtant pas faiblarde ! Et même si je ne mangeais pas toujours comme il aurait fallu que je le fasse, je ne me trouvais pas spécialement maigre et j'avais tout de même une solide constitution.

Mais bon, son aide était bienvenue et ça même si c'était quand même un coup dur pour mon ego et pour mon estime de moi. Et puis, finir à l'hôpital du coin (en admettant qu'il y en ait un dans un rayon inférieur à 30km) pour une luxation de l'épaule en voulant porter un sac trop lourd était quand même encore plus ridicule. En levant la tête, je vis qu'il avait encore pris dix mètres d'avance et piquai un sprint pour le rattraper. Il avançait à grandes enjambés et j'avais du mal à suivre.

- Tu viens d'où ? demanda-t-il avec un petit sourire amusé au coin des lèvres.

Traduction : D'où tu sors pour être aussi mollassonne ?

- Je viens de New-York, haletais-je entre deux profondes inspirations pour essayer de reprendre mon souffle et de cesser d'avoir l'impression de faire de l'apnée. De Brooklyn pour être plus précise.

Il poussa un sifflement admiratif et posa la question que je sentais venir au loin :

- Pourquoi t'es partie ?

- Ma mère est morte, fis-je directe.

Après tout, à quoi bon le cacher ? Le dire à haute voix permettait de mieux accepter l'évidence. Mes paroles et mes pensées me firent réaliser que je ne l'avais jamais dit à voix haute avant maintenant. La douleur soudaine dans ma poitrine me fit bien comprendre que quelque part, la mort de ma mère ne me laissait pas vraiment aussi indifférente que je l'aurai pensé. Après tout, droguée ou pas, alcoolique ou non, c'était ma mère et ma seule famille jusqu'à présent. Encore une fois, j'étais seule et je dus faire un effort pour ne rien laisser paraître de cette solitude qui me pesait et ne pas m'affaisser sur moi-même sous le regard intense de Kaleb que je sentais peser sur ma nuque.

- Je suis désolé, fit-il me sortant de mes pensées peu joyeuses.

Je relevai la tête vers lui et essayais de sourire même si ça devait plutôt ressembler à une grimace en disant :

- Ce n'est pas grave.

- Et ton père ? voulut-il savoir.

- Je ne sais pas. Il a disparu il y a quatre ans. C'est à cause de ça que ma mère est morte.

Elle ne s'était en effet jamais remise de sa soudaine disparition. Se refermant sur elle-même, pleurant sa mort sans relâche et sombrant lentement dans la drogue et l'alcool pour essayer d'oublier celui qui avait dû être l'homme de sa vie. Je me demande si je n'ai pas haï mon père pour avoir rendu ma mère ainsi en me laissant me débrouiller seule pour nous maintenir toutes les deux la tête hors de l'eau et ne pas finir en foyer d'accueil pour moi et elle en centre de détox ou une autre horreur du genre. Ma mère avait besoin de moi et je devais être là pour elle, comme elle l'avait été pour moi dans le passé.

- Ah, pardon. Je ne voulais pas raviver des souvenirs douloureux.

- C'est pas grave, répétai-je mais cette fois, sans faire l'effort de tenter d'esquisser un sourire. Ça n'en valait plus la peine. Il avait compris que j'étais triste et dissimuler ma tristesse derrière un faux sourire n'allait pas m'aider à aller mieux. Il demanda dans une tentative de changer de sujet :

TransformationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant